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Les mannequins nus

Les mannequins nus

Titel: Les mannequins nus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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existaient au block 10. Je commencerai par le plus bel exemple. Adélaïde Hautval, doctoresse française, fille d’un pasteur protestant, fut arrêtée au mois d’avril 1942 alors qu’elle tentait de passer clandestinement la ligne de démarcation entre la France occupée et la France libre, parce qu’on lui avait refusé un laissez-passer pour se rendre aux obsèques de sa mère. Elle se retrouva en prison avec des Juives, et là elle s’indigna ouvertement de la manière dont les agents de la Gestapo traitaient celles-ci. On lui fit savoir alors que, puisqu’elle se posait en amie des Juifs, elle partagerait leur sort. Après plusieurs mois d’incarcération, en janvier 1943, elle arriva à Auschwitz avec – en sa qualité d’« amie des Juifs » – un brassard à étoile jaune. De Birkenau elle fut envoyée au block 10 où elle refusa de procéder à des examens au kolposcope comme le désirait le docteur Wirths, de même que d’anesthésier les détenues qu’opérait le docteur Samuel, un Juif allemand. Mandée par le médecin S.S. Wirths pour lui expliquer son comportement, elle eut avec lui un échange de mots digne de ne pas être oublié. Ayant entendu dire que la doctoresse Hautval refusait de prendre part aux traitements qu’elle considérait incompatibles avec ses principes, le docteur Wirths lui demanda si elle ne se rendait pas compte qu’elle était différente des Juives du block 10, ajoutant que c’était pour cela précisément qu’il l’avait envoyée là.
    « — Dans ce camp, répondit la doctoresse Hautval, il y a beaucoup de gens qui sont différents de moi. À commencer par vous-même. »
    Wirths fut tellement surpris de cette réponse qu’il n’eut pas l’idée de la punir. Il se contenta de la renvoyer du block 10 où il jugea que sa présence parmi les autres détenues était indésirable.
    — Si la doctoresse Hautval qui, dans de très nombreuses situations, se comportait au camp suivant les règles de l’éthique et de l’humanitarisme, personnifiait les plus nobles qualités qui doivent caractériser chaque médecin, il n’en était pas de même du docteur Dering que je placerai sans hésiter à l’autre pôle des médecins-détenus employés au block 10. La doctoresse Hautval était l’incarnation du médecin consciencieux de son devoir, prêt à accomplir sa mission dans toutes les circonstances, avant tout les plus pénibles. Cette femme extraordinairement modeste savait évaluer avec une grande justesse la situation dans le camp. Ce fut elle qui, durant les premières journées qui suivirent mon arrivée, me mit au courant des activités des médecins S.S. au block 10. Elle m’expliqua aussi que rien ne pouvait nous sauver, nous les témoins des crimes de ces médecins, parce qu’ils ne permettraient certainement pas que le monde apprenne un jour ce dont ils avaient été capables. Pour elle, la déduction logique de ce raisonnement était que pendant le peu de temps qui nous restait à vivre, il nous fallait nous comporter humanitairement avec nos camarades de misère. Il convient de souligner qu’en général les médecins se distinguaient avantageusement de l’ensemble des détenus et qu’hormis quelques peu nombreuses exceptions, tous se comportaient avec beaucoup de dignité. Ils étaient nombreux à s’efforcer de soulager les autres détenus, souvent du reste au risque de leur vie, chose courante dans les conditions concentrationnaires. À l’instar de leurs camarades médecins, les autres détenus qui remplissaient des fonctions intermédiaires, les infirmiers, les « scribes », ne manquaient certes pas de courage eux non plus. Je me souviens d’un jeune étudiant en médecine tchèque, Jan Bandler, « scribe » au block 21. À l’époque où les médecins S.S. essayaient l’action de divers narcotiques sur les détenus, le docteur Wirths appela un jour le jeune Bandler et lui demanda de lui amener deux détenus pour les soumettre à une expérimentation. Au bout d’un certain temps, Bandler revint et dit qu’il n’avait trouvé qu’un détenu. « Où est-il ? », s’enquit Wirths. « Ce détenu, c’est moi », répondit Bandler. Wirths le gifla et, heureusement, il n’y eut pus d’autres suites à cette affaire.
    — Il ne manque pas d’exemples qui témoignent qu’une attitude hardie à l’égard des S.S. était plus profitable aux détenus que la soumission.
    — Sur ce fond, le comportement du docteur

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