Les mannequins nus
d’un liquide trouble à l’entrée de la matrice de femmes mariées. Après l’injection, les organes génitaux sont radiographiés. Les injections sont renouvelées chez les mêmes femmes à intervalles de plusieurs semaines et sont toujours suivies de radiographies. Le but est de provoquer une inflammation des trompes, ce qui provoque une obstruction et, partant, l’infécondité. Les expériences sont pratiquées par Clauberg lui-même, quelquefois par ses aides ; le docteur Göbel, chimiste, collabore avec lui. Les injections sont douloureuses. Elles entraînent souvent des irritations du péritoine, des vomissements, des douleurs dans le bas-ventre surtout lorsque les injections sont faites par une autre personne que Clauberg. Des infirmières formées par Clauberg lui-même, tiennent les écritures et procèdent aux radiographies. Ce sont principalement des Slovaques des premiers convois. Je n’ai pas noté de cas mortel.
— Par ordre d’importance, le deuxième médecin du block 10 est le docteur Horst Schumann. Il a « pour lui » un groupe d’une trentaine de jeunes filles de 16 à 19 ans, provenant d’un convoi de Salonique. Schumann a soumis ces jeunes filles à l’action des rayons X à Birkenau. Au block 10, l’expérience continuera. Certaines ont été opérées avant leur venue ; on leur a enlevé un ovaire. À la fin du mois de septembre 1943, dix d’entre elles ont déjà été opérées une fois, ont été emmenées à la salle d’opération du block 21 où elles ont subi une intervention chirurgicale dans l’après-midi. Chez toutes, on a procédé à une ablation des ovaires, pratiquée par le médecin-détenu Wladyslaw Dering. Dans la nuit, une de ces jeunes filles est morte d’une hémorragie. Les expériences du docteur Schumann consistent à stériliser par les rayons X. L’ablation des ovaires doit permettre une étude histologique des changements survenus après l’irradiation.
— Un autre groupe expérimental se compose de plusieurs dizaines de femmes dont s’occupe le médecin S.S. Eduard Wirths. Il observe le col de l’utérus à l’aide d’un appareil allemand appelé Kolposcope qui permet de prendre des photographies. Sur recommandation du docteur Wirths, on procède à des prélèvements de tissu de la matrice pour les soumettre à des examens histologiques, afin de découvrir la phase initiale du cancer de cet organe. Cela provoque souvent des hémorragies ; je n’ai pas noté de cas mortel.
— Enfin, il y a un quatrième groupe, celui du médecin S.S. Bruno Weber, chef du kommando de l’« Hygiène-Institut ». Pour ce groupe, les expériences consistent à déterminer l’agglutination des globules rouges chez des personnes de groupes sanguins différents, ainsi que l’agglutination après injection d’une petite quantité de sang d’un autre groupe. Chez ces femmes, les infirmières S.S. (S.D.G.) prélèvent du sang des différents groupes à raison de 100 à 200 ml, en vue de l’étude des protéines du sang effectuée en laboratoire à Rajsko.
— Là-dessus s’achevait l’énumération des faits dont je fus témoin en 1943 au block 10.
— Je ne puis me retenir de décrire une situation, pleine de tension dramatique, associée au rapport que je viens de citer. Après que mes camarades du camp m’eurent demandé de relater tout ce qui se rapportait aux expériences des médecins S.S., j’entrepris d’accomplir ce travail le soir, après la fermeture du block dans le laboratoire de l’« Hygiène-Institut » relevant du S.S. Obersturmführer Weber. J’écrivis mes observations dans un cahier identique à celui où je notais les groupes sanguins des détenues soumises aux expériences. Le lendemain, je me trouvais dans le laboratoire avec mon amie la pharmacienne Marta Malik et nous complétions ensemble le texte du rapport. Les anciens détenus des camps de concentration savent ce que signifie le mot « Torwach ». Une « Torwach », c’était une détenue qui surveillait la porte d’entrée. Théoriquement pour que personne d’entre nous ne sorte du block, et pratiquement pour nous signaler à temps l’arrivée d’un S.S. Ce matin-là, la « Torwach » manqua de vigilance, elle ne remarqua pas ou ne parvint pas à nous avertir à temps de l’approche de l’Obersturmführer Weber. Soudain la porte du laboratoire s’ouvrit et notre chef entra avec son inséparable chien-loup. Nous nous levâmes et je
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