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Les mannequins nus

Les mannequins nus

Titel: Les mannequins nus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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rendis compte comme il était de coutume : « Zwei Häftlinge bei der Arbeit. » Sur la table, le cahier contenant la description des expériences des S.S. au block 10. La forme et la conclusion indiquaient nettement qu’il ne s’agissait pas d’un journal, mais bien d’un compte rendu avec une destination concrète. Aujourd’hui encore, je me souviens de cet instant et des pensées qui me vinrent alors à l’esprit. Weber prit le cahier en mains et se mit à en tourner machinalement les feuilles sans prendre garde à ce qui y était écrit. Nous nous tenions devant la fenêtre qui donnait sur la cour du block 11. Cette fenêtre était masquée par des planches clouées, mais je savais que le « mur de la mort » se trouvait à gauche, ce mur devant lequel nous n’allions pas manquer d’être placées. Mais Weber me rendit le cahier et après avoir dit : « Machen Sie weiter », il quitta la pièce. Nos jambes se dérobaient sous nous, et il nous fallut un bon moment avant de pouvoir reprendre notre équilibre.
    — Peu de temps après, nous fîmes passer le cahier comme convenu à son destinataire du block 21 d’où il sortit du camp en direction de Cracovie pour se retrouver après à Londres.
    — Durant mon séjour au block 10 d’Auschwitz I, j’eus l’occasion d’observer plus tard également les agissements du professeur Clauberg dans le nouveau block (« Lagererweiterung ») où les détenues du block 10 furent transférées en 1944. Il ne faisait aucun doute que ce gynécologue, connu dans le monde scientifique, préparait des expériences relatives à l’insémination artificielle.
    — À la lumière des documents trouvés après la libération du camp et à l’appui des dépositions faites par de nombreux S.S. d’Auschwitz, on peut encore mieux préciser et analyser les pseudo-expériences pratiquées sur les détenues du block 10. Ceci se rapporte aux expériences de Clauberg et de Schumann. On sait que la stérilisation tentée au block 10 sur des détenues juives, devait servir à mettre au point une méthode permettant de rendre stériles des nations ou des races entières considérées comme indignes d’exister par le III e  Reich.
    — Dans ce domaine, les médecins S.S. ne le cédaient en rien aux idéologues et aux législateurs ; dans les personnes de Clauberg et de Schumann, ils aidaient diligemment à trouver de meilleures méthodes de génocide.
    — Je me souviens qu’en 1945, après la libération, le professeur Cuvier, gynécologue français, m’invita à venir le voir par l’intermédiaire de camarades français qui avaient été internés au camp de concentration d’Auschwitz. En 1945, je me rendis à Paris et allai le voir. Il me demanda avec force détails comment était le professeur Clauberg que j’avais connu au block 10. Il avait fait sa connaissance à Königsberg et, avant la guerre, avait assisté avec lui à nombre de congrès gynécologiques internationaux. Il le connaissait par ses travaux intéressants sur le corps jaune et voulait savoir s’il s’agissait de la même personne. La description concordait, mais je n’étais pas certaine que Clauberg avait été professeur à Königsberg avant la guerre. Tout en me questionnant minutieusement sur les expériences auxquelles Clauberg se livrait au block 10, le professeur Cuvier espérait encore, que peut-être, ce n’était pas le même homme que celui avec qui il avait pris part à des congrès et qu’il considérait comme un confrère de valeur. Malheureusement, il s’avéra que c’était bien le même. Autrefois un professeur, un chercheur respecté dans le monde scientifique, et aux temps de Hitler un serviteur obséquieux qui se recommandait à Himmler dans des lettres annonçant qu’il était proche du but. Et ce but était de trouver une méthode permettant à un médecin, aidé de quelques assistants, de stériliser plusieurs centaines et même un millier de femmes par jour.
    — Il n’est pas difficile de s’imaginer l’atmosphère dans laquelle vivaient les détenues au block 10. Comme c’était le seul block de femmes dans le camp masculin, il se trouvait en principe isolé. Ses fenêtres étaient grillagées et masquées par des planches, toute la journée la lumière électrique brûlait. Le voisinage du block 11 et par conséquent la possibilité d’entendre et de voir ce qui se passait là augmentaient encore l’inquiétude de chaque détenue

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