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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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d’attentat. Toggenburg et compagnie disposeraient enfin d’un prétexte pour sévir.
    Il but encore une goutte de madère.
    — À ce propos, quel genre d’affaire ton Königsegg a-t-il conclu avec Ziani ?
    — Ziani lui a dérobé un bijou, dit Tron.
    — Et vous soupçonnez l’intendant en chef d’avoir commis le meurtre ?
    Le commissaire secoua la tête.
    — Non, il a un alibi à toute épreuve.
    — Où est le bijou à présent ?
    — Disparu sans laisser de trace.
    — Qu’est-ce que vous avez l’intention de faire ?
    — Je n’en sais rien. Les mèches nous tracassent.
    — C’est peut-être juste un reste de la dernière fête du Rédempteur.
    — Ziani était artificier ?
    Son camarade fit une moue perplexe.
    — Pas que je sache. Mais ce serait l’explication la plus bête.
    Il sourit.
    — Et en règle générale, les explications les plus bêtes sont les meilleures.
    1 - Pardon. ( N.d.T. )

    2 - XVIII e siècle. ( N.d.T. )

27
    — Merveilleux ! s’exclama la princesse. Tu récupères le collier, tu saisis la poudre, tu interpelles les conspirateurs et tu arrêtes les deux assassins. Ensuite, Königsegg, l’impératrice et l’empereur te seront reconnaissants à vie. Il n’y a vraiment aucun problème.
    D’un geste de la main, elle autorisa Moussada, qui venait de servir le dessert, à se retirer. Tron fut obligé de rire.
    — Je dois les arrêter tout de suite ou je peux prendre le temps de terminer mon repas ?
    Ce soir-là, le dessert se composait – ça tombait bien – d’un riz façon impératrice aux six trésors , c’est-à-dire un gâteau de riz parfumé au gingembre et couvert de sauce à la vanille, entouré d’une couronne de coupelles dont chacune contenait une sorte de fruits confits différente : des prunes, des ananas, des poires, des dattes, des cerises et des fraises.
    — Je suis sérieuse, Alvise !
    — Le problème demeure que nous avançons dans le noir. Nous ne savons absolument pas qui a tué Ziani et encore moins où le collier est passé.
    Il se servit une grosse cuillerée de gâteau de riz et la décora de quelques cerises confites.
    — Jusqu’à présent, tu es toujours parvenu à résoudre tes affaires, remarqua-t-elle.
    — Oui, mais celle-ci est plus compliquée, et les enjeux beaucoup plus importants.
    — C’est une chance unique !
    Comme d’habitude, la princesse avait renoncé au dessert et s’était allumé une cigarette à la place.
    — Quelle est la probabilité que des gens préparent pour de bon un attentat selon toi ?
    — Toute la question est là, dit le commissaire. Un attentat, qu’il réussisse ou non, desservira notre image à l’étranger et entraînera une dure répression de la part des Autrichiens. Cela produirait l’inverse de l’effet escompté.
    — Bref, tu veux dire qu’il s’agit de fous ? résuma-t-elle.
    — Juste de nationalistes, rectifia-t-il, ce qui lui valut aussitôt un regard lourd de reproches.
    — Les nationalistes ne sont pas des fous ! s’emporta-t-elle. Pourquoi t’es-tu battu, toi, en 1848 ?
    — Notre devise était Vive Saint-Marc ! Pas Vive l’Italie !
    Combien de fois s’étaient-ils déjà disputés à ce sujet ? Cent ? Mille ?
    — Nous voulions le rétablissement de la République, pas la soumission à Turin. Je ne suis absolument pas convaincu que la laisse à laquelle vous voulez tous nous attacher soit beaucoup plus lâche que celle des Autrichiens. Les Piémontais ne parlent même pas un italien correct.
    — C’est bien à toi de critiquer !
    — Mon toscan n’a rien à envier au tien quand je m’en donne la peine !
    Le commissaire inspira à pleins poumons et déclama :
    — Nel mezzo del cammin di nostra vita, mi ritrovai per una selva oscura 1 …
    La princesse au supplice ferma les paupières.
    — Pauvre Dante ! Ton accent est affreux.
    Elle rouvrit les yeux et but une gorgée de café.
    — Au départ, je te rappelle, nous voulions discuter de ton enquête.
    — La première hypothèse, reprit-il, ce serait donc une bande de nationalistes exaltés.
    Il se resservit une copieuse portion de gâteau de riz.
    — La deuxième, ce seraient les cercles ultras qui salueraient un attentat parce qu’ils pourraient ainsi prendre des mesures énergiques, non seulement envers l’étranger, mais aussi à l’intérieur.
    — À l’intérieur ?
    — Certains cercles n’ont toujours pas pardonné à l’empereur d’avoir signé la patente de février 2 en 1861, expliqua Tron. Depuis,

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