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Les masques de Saint-Marc

Les masques de Saint-Marc

Titel: Les masques de Saint-Marc Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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belong to the Cook-Party, Sir ?
    Hein, quoi ? Qu’est-ce que c’était que cette histoire de Cook-Party ? Il secoua la tête.
    — Do you have a reservation, Sir ? poursuivit-elle avec un sourire pour le moins forcé.
    Tron s’éclaircit la voix.
    — Je suis le commissaire Tron, de la police vénitienne. Le comte Zorzi m’attend, prétendit-il.
    Cette fois, ce fut au tour de la préposée d’être interloquée. Pendant un instant, elle l’observa comme le représentant d’une espèce inconnue. Elle semblait avoir de la peine à le croire. Enfin, elle dit dans le plus pur vénitien : — Souhaitez-vous me confier votre manteau, commissaire ?
    Une question tout à fait dénuée de sens puisqu’il avait déjà déposé sa redingote sur le comptoir. Une fois muni d’un ticket rose numéroté, il se fraya un chemin dans la foule à coup de permesso .
    Dans la salle de bal, le progrès ne passait pas inaperçu non plus. On avait poncé et ciré le parquet, l’ancien mobilier avait cédé la place à des meubles de style Second Empire *, le principal changement concernait cependant l’éclairage. Tron constata avec une certaine amertume que les innombrables candélabres aux lueurs douces et tremblantes avaient été remplacés par des lampes à pétrole.
    Les croupiers avaient, quant à eux, abandonné le frac pour des souliers, des hauts-de-chausses et des perruques. La plupart des dames étaient masquées, certaines portaient des crinolines et avaient des mouches collées sur le visage. De nombreux messieurs avaient, en plus des petits chapeaux en papier sur la tête, des serpentins autour du cou. Bien que la salle fût pleine à craquer, le commissaire n’y apercevait ni costumes noirs ni uniformes autrichiens. La dernière fois, il régnait encore une atmosphère de décadente illégalité. À présent – même si les mises aux différentes tables semblaient assez élevées –, un esprit petit-bourgeois dominait.
    Après avoir cherché en vain dans la grande salle le propriétaire des lieux, il le découvrit, debout à côté d’une table, dans un des petits salons où l’on jouait au baccarat. Tron nota aussitôt qu’il avait pris de l’embonpoint. Le monocle qu’il portait désormais lui donnait un air d’officier d’état-major. Il fit le tour de la table qui les séparait.
    Dès qu’il le reconnut, son ancien camarade de classe lui tendit la main d’un air ravi.
    — Tu veux jouer ?
    Tron éclata de rire.
    — Tu m’as posé la même question la dernière fois que je suis venu.
    Zorzi réfléchit un instant.
    — Exact ! L’affaire sur le paquebot du Lloyd. Je me souviens.
    Puis, manifestement convaincu qu’aucun de ses clients ne comprenait l’italien, pour ne rien dire du vénitien, il ajouta avec un sourire résigné : — À l’époque, nous pouvions encore nous permettre un certain raffinement.
    — On m’a demandé si j’appartenais à la Cook-Party , lâcha Tron.
    Son camarade soupira.
    — C’est un jour à forfait.
    — Un jour à forfait ?
    — Nous travaillons avec des agences de voyages anglaises. Les clients ne réservent pas seulement le circuit et les hôtels, on leur concocte aussi un programme sur place.
    — Quelle sorte de programme ?
    — Un spectacle à La Fenice, un tour en gondole avec chanteur, une messe à la basilique et – on aurait dit qu’il récitait un prospectus – « la visite d’un casino typiquement vénitien, où l’atmosphère du XVIII e siècle est préservée ».
    Puis il se recula avec une petite courbette pour céder la place à un homme vêtu d’une redingote à carreaux et coiffé d’un petit chapeau multicolore.
    Tron ne put s’empêcher de rire.
    — Ah ! Voilà pourquoi tu donnes maintenant dans le settecento 2 .
    — Ces messieurs de Thomas Cook étaient enthousiastes. Désormais, nous travaillons même l’après-midi. Avant, c’était mort.
    — Combien de jours à forfait avez-vous ?
    — Deux par semaine en général. Cinq pendant le carnaval.
    — Et les autres clients ? Les officiers de l’armée autrichienne ? Ils ne viennent plus ?
    — Si, mais beaucoup plus tard. À ce moment-là, nous rallumons les bougies et les croupiers reprennent leurs fracs.
    Zorzi observa le commissaire d’un regard perçant.
    — Tu es ici à cause d’un officier ?
    — Connais-tu un certain Königsegg ? demanda Tron en guise de réponse.
    — L’intendant en chef de Sa Majesté ?
    Il hocha la tête.
    — J’ai eu un entretien avec lui tout

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