Les Médecins Maudits
cents poux dans chaque. Je fis obturer les cages à la cire et avec l’aide de Dietzsch, les jetai dans le fourneau. Je fis un rapport disant qu’en tant que médecin du camp, je ne pouvais prendre la responsabilité d’une épidémie. La deuxième fois, les poux furent apportés par un officier de la Wehrmacht en uniforme. Ils provenaient d’un Institut de Lemberg. Lorsque j’arrivai les cages étaient déjà attachées aux cuisses des prisonniers. Ces poux furent détruits et aucun des sujets ne présenta de typhus à ma connaissance.
— Mais, demanda le président, vous étiez bien le remplaçant de Ding ?
— Bien sûr, mais je ne prenais aucune responsabilité. Quand Ding s’absentait, les expériences s’arrêtaient.
Sa justification des exécutions médicales est bien plus étrange encore.
— Il existait au camp un grand nombre de prisonniers jaloux des situations occupées par d’autres détenus. Quelques « politiques » avaient des positions clefs et vivaient mieux que les autres. Plusieurs prisonniers s’efforcèrent de discréditer ces hommes. Lorsque ceci fut connu, les « mieux placés » les firent immédiatement exécuter. J’en ai toujours été averti afin de fournir les preuves médicales de la mort. Il s’agissait d inscrire qu’ils étaient morts naturellement. Dans quelques cas c’est moi-même qui ai tué ces hommes avec des injections de phénol mais à la demande de leurs codétenus. Une fois Ding se trouvait à l’hôpital et déclara que je ne m’y prenais pas bien. Il pratiqua quelques injections lui-même. Trois détenus furent ainsi tués ce jour-là et ils moururent en moins d’une minute. Le nombre total des traites tués s’élève environ à cent cinquante…
A Buchenwald, vous le savez, la « Kommandeuse » collectionnait les tatouages et certains médecins les « têtes réduites ». Un déporté Joseph Ackermann affirma :
— Le docteur Hoven se tenait un jour à côté de moi à la fenêtre du service des autopsies. Il me montra un prisonnier qui travaillait dans la cour et me dit : « Je désire avoir le crâne de celui-ci sur mon bureau d’ici demain matin. » Le prisonnier eut l’ordre de se présenter au service de médecine. On inscrivit son numéro et le cadavre fut apporté le jour même à la salle de dissection. L’examen post mortem montra que l’homme avait été tué par une injection. Le crâne fut préparé et remis au docteur Hoven.
Le médecin s’empourpra et en bégayant répondit :
— C’est le plus grand mensonge que j’ai entendu dans ma vie. Je ne me suis jamais intéressé aux autopsies, ni aux crânes.
Waldemar Hoven, condamné à mort, fut exécuté dans la cour de la prison de Landsberg. Il respira profondément une dernière fois, ferma les yeux, baissa la tête en murmurant :
— Mon pauvre Hoven…
*
* *
Le professeur Haagen eut plus de chance que Ding et Hoven. Nous allons étudier son rôle dans d’autres expériences sur le typhus pratiquées à Natzweiler ; il fut condamné aux travaux forcés à perpétuité par le tribunal militaire de Metz. Les juges de Lyon transformèrent cette peine déjà considérée à l’époque « comme clémente » en vingt ans de détention. Entre-temps, Haagen s’était marié en prison et déclarait à qui voulait l’entendre :
— Sans ces Français qui me tiennent enfermé, je serais Prix Nobel.
Il est vrai qu’Haagen dans le domaine scientifique, représentait une « valeur sûre » si on le compare aux autres « galopins » qui expérimentaient à Buchenwald.
— Je xcii m’appelle Eugen Haagen, je suis né le 17 juin 1898 à Berlin. Je suis docteur en médecine depuis 1924. Je suis devenu ensuite assistant de la clinique de la Charité. En 1926, je devins assistant scientifique au Service de Bactériologie du Bureau de la Santé Publique de Berlin où je fondai le département des virus et des recherches sur les tumeurs. En 1928, j’ai été nommé assistant, pendant un an, à l’Institut Rockfeller de New York. En 1929, je suis resté à Berlin et en 1930, j’ai été nommé membre de la Fondation Rockfeller à New York, avec mission de travailler au laboratoire du typhus de cet Institut. Je réussis à entretenir le germe de la fièvre jaune, à faire des cultures artificielles pures de cet agent, ce qui rendit possible un vaccin contre la fièvre jaune, utilisé aujourd’hui dans le monde entier. Après ces trois
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