Les Médecins Maudits
enveloppés dans des sacs en papier et que trouvons-nous sur le livre de contrôle de l’assistante technique à la date du 6 juillet, l’époque dont parle le témoin ? Nous trouvons cette petite phrase « deux autres ne sont plus là » ? Alors ? Alors ! Je n’en sais rien. Cela veut dire que les prisonniers avaient dû partir. Il n’y eut pas de morts. Bon ! Vous ne pouvez nier docteur la présence au camp de cobayes, véritables réservoirs de virus ; n’étaient-ils pas là pour faciliter l’infection des déportés ? Il s’agissait de gentils et sains cochons d’Inde que nous apportions aux prisonniers. Ils avaient grand plaisir à les élever. Bon ! Bon ! Bon !
D’après ce « raccourci » des mille pages de confession d’Eugen Haagen, je vous laisse le soin de conclure. J’ajouterai simplement ceci : Haagen poursuivit ses recherches en dehors du cours habituel des expérimentations humaines dans les camps de concentration. Personne ne lui avait demandé de tester sa découverte d’un nouveau « virus-vaccin vivant ». Il a succombé à la tentation de ce camp de déportés si proche de ses laboratoires strasbourgeois. Ce camp où le secret serait bien gardé. Pourquoi pas ? Mais son « virus-vaccin vivant » était sans doute insuffisamment atténué. Toujours le fameux marteau-pilon pour tester un casque de football.
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Les Services de Santé allemands s’adressèrent bien souvent à différents instituts dans le monde pour obtenir du vaccin. Ils envoyèrent même des « agents secrets » en Amérique du Sud et aux États-Unis pour « acheter » des grandes quantités de sérums. À Paris, l’Institut Pasteur refusa toute collaboration. Ce n’était pas toujours facile. Le docteur Tefouël, directeur de l’Institut, devint en fait le pharmacien en chef de la Résistance et des maquis :
— Pharmacie reconnue par les autorités françaises de Londres puisque dès 1942, les produits militaires indispensables ont été parachutés sur notre sol, dirigés sur Pasteur où ils étaient « conditionnés », et de là redistribués sur des hôpitaux de province où ils étaient stockés clandestinement à la disposition des maquisards.
Naturellement, les produits étaient soigneusement démarqués par les expéditeurs. Le dagénan, par exemple, portait des étiquettes « Rhône-Poulenc » parfaitement imitées. Un jour pourtant, de l’insuline arriva avec ses étiquettes américaines « Eli-Lily and Co » et une date qui ne laissait aucun doute. En hâte, on gratta les dangereuses étiquettes pour leur en substituer de plus anodines.
Les produits étaient parachutés dans les « containers » classiques : cylindres d’environ 1,20 m sur 60 cm.
— L’iode, l’huile camphrée, la morphine, la caféine arrivaient en grosses quantités, le mercurochrome par flacons de dix kilos, les sulfamides par cinquante kilos ! À qui s’étonnait par hasard de ces proportions, on répondait que c’était pour les chevaux : « Un cheval n’est pas une souris ! »
La présence des instruments, des trousses, du coton, des bandes plâtrées, pouvait aussi ne pas passer inaperçue, malgré l’étendue de nos sous-sols, véritable ligne Maginot ! On ne pouvait pas trop élargir le cercle des confidents. Alors la défense passive avait bon dos. En cas d’un gros bombardement de Paris, fallait-il n’est-ce pas, compter sur les Allemands pour organiser les secours ?
Au contraire, c’étaient les officiers du service de santé allemand qui venaient souvent à l’Institut Pasteur solliciter des produits. Solliciter d’abord, supplier même, souvent menacer. Ils manquaient, par exemple, de sérum antitétanique. Ils en arrachèrent péniblement quelques ampoules, alors qu’il en partait des centaines de mille pour le maquis…
Un jour, ils demandent du sérum antidiphtérique. M. Tréfouël explique qu’il en a très peu, tout juste pour la population française. Ils insistent.
— Vous êtes en contact avec la population. Si une épidémie se déclare vous serez les premiers en danger.
— On est reçu aimablement, constate le chef de la délégation, mais on part toujours les mains vides !
L’un des trois officiers, un Autrichien, prend par-derrière la main du docteur Tréfouël et lui dit à voix basse : « Continuez. »
— Ça m’a fait plaisir. Je l’ai revu quelquefois, mais il n’a plus jamais osé un pareil geste.
Un autre
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