Les murailles de feu
homme ; il l’avait compris, il n’était autre que le roi lui-même, Léonidas.
— Eh bien, vénérable ami, dit-il à Léonidas en s’inclinant respectueusement, étant donné que je ne puis satisfaire mon désir de m’adresser personnellement à Léonidas, peut-être puis-je, eu égard à l’argent de ta barbe et aux nombreuses cicatrices que montre ton corps, te prier d’accepter en son nom ce cadeau de Xerxès fils de Darius.
Et l’Égyptien sortit d’une sacoche une coupe d’or à deux anses, finement ouvragée et ornée de pierres précieuses. Il expliqua que le décor de la coupe représentait Amphictyon, le héros auquel était dédié le site des Thermopyles, ainsi qu’Héraklès et son fils Hyllus, dont descendaient les Spartiates et Léonidas lui-même. La coupe était si lourde que l’Égyptien dut la tenir des deux mains.
— Si j’accepte ce somptueux cadeau, dit Léonidas, il faudra qu’elle aille au trésor des Alliés.
— Comme tu le souhaites, dit l’Égyptien en s’inclinant.
— Alors transmets la gratitude des Hellènes à ton roi. Et dis-lui que mon offre est toujours valable, si les dieux lui accordaient la sagesse de l’accepter.
Ptammitèque tendit la coupe à Aristodème, qui l’accepta au nom du roi. Les regards de l’Égyptien allèrent à Olympias, puis à mon maître. Son expression était solennelle, voire teintée de tristesse. Il comprenait le caractère inéluctable de ce qu’il avait si généreusement et intensément souhaité éviter.
— Si vous êtes jamais faits prisonniers, dit-il aux Spartiates, faites-moi appeler. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous soyez épargnés.
— Fais-le, frère, rétorqua Polynice d’un ton implacable.
L’Égyptien parut saisi. Dienekès intervint prestement et serra vigoureusement la main de l’émissaire.
— À bientôt, dit-il.
— À bientôt, répondit l’Égyptien.
LIVRE SIXIÈME
DIENEKES
1
Ils portaient des pantalons.
Des pantalons pourpres, serrés au-dessous du genou, par-dessus des bottes hautes de daim ou d’autres peaux de prix de leurs tanneries. Par-dessus leurs tuniques brodées à manches longues, ils portaient des cottes de mailles en écailles de poisson. Leurs casques de fer forgé étaient ouverts et couronnés de plumes de couleurs. Ils se frottaient les joues de carmin et leurs oreilles et leurs gorges s’ornaient de bijoux abondants. Ils ressemblaient à des femmes et pourtant cet accoutrement, extravagant pour les Hellènes, n’inspirait pas le mépris, mais la terreur. On avait l’impression d’avoir affaire à des gens sortis des Enfers ou d’un pays étrange au-delà de l’océan, là où le haut était le bas et la nuit le jour. Possédaient-ils un savoir ignoré des Grecs ? Leurs légers boucliers de voltigeurs, presque ridicules quand on les comparait aux énormes boucliers grecs de bronze et de chêne, lourds de vingt livres, étaient-ils mystérieusement supérieurs ? Leurs lances n’avaient rien de comparable aux tasseaux ronds grecs, de frêne ou de cornouiller, longs de huit pieds ; c’étaient des armes légères, presque des javelines ; comment s’en servaient-ils donc ? Les lançaient-ils, ou bien les enfonçaient-ils par le bas ? Ce maniement serait-il plus mortel que le coup par le haut, à la grecque ?
C’étaient les Mèdes, l’avant-garde qui attaquerait les Alliés en premier, mais on n’en était pas encore sûr. Les Grecs ne parvenaient pas à distinguer les Perses des Mèdes, Assyriens, Babyloniens, Arabes, Phrygiens, Cariens, Arméniens, Cissiens, Cappadociens, Paphlagoniens, Bactriens ou tous autres des nations asiatiques cinq fois plus nombreuses qu’eux ; ils reconnaissaient tout juste les Ioniens et les Lydiens, les Indiens, les Éthiopiens et les Égyptiens, à cause de leurs armes et armures caractéristiques. Le bon sens autant que le sens du commandement voulaient que les chefs de l’Empire donnassent à l’une de ces nations l’honneur du premier coup. Il tombait également sous le sens, ou du moins les Grecs le supposaient-ils, que l’ennemi n’engagerait pas ses troupes d’élite, en l’occurrence les dix mille Immortels de la Garde, pour évaluer l’ennemi ; ceux-ci devraient être réservés pour l’inattendu.
C’était d’ailleurs la stratégie qu’avaient adoptée Léonidas et les commandants alliés. Ils garderaient les Spartiates à l’arrière et donneraient l’honneur du
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