Les murailles de feu
Xerxès lui-même, qu’il ne devait remettre qu’aux seuls Spartiates.
Olympias, qui avait été le doyen de l’ambassade de Rhodes, reprit cette position dans l’entretien. Il informa l’émissaire qu’aucun accord de nation à nation n’était envisageable. Tous les Grecs étaient solidaires et c’était comme ça.
L’Égyptien ne se départit pas pour autant de son aménité. À ce moment-là, le corps principal des Spartiates faisait au pied du Mur des exercices avec boucliers, sous la direction d’Alphée et de Maron, qui instruisaient par la même occasion deux pelotons de Thespiens. Ptammitèque observa les deux frères, impressionné.
— Je modifierai donc ma requête, dit-il en souriant à Olympias. Si tu veux me conduire devant ton roi, Léonidas, je lui remettrai mon message en sa qualité de commandant de tous les Alliés helléniques.
Mon maître portait visiblement de la sympathie à ce personnage et il était ravi de le revoir.
— Tu portes toujours des culottes de fer ? lui demanda-t-il par l’intermédiaire de l’interprète.
Tommie se mit à rire et, au grand divertissement de l’assistance, montra ses caleçons de lin blanc du Nil. Puis, un geste amical et informel sembla indiquer qu’il mettait provisoirement entre parenthèses son rôle d’émissaire et souhaitait s’entretenir d’homme à homme.
— Je souhaite que cette armure ne soit jamais utilisée entre nous, mes frères.
Il indiqua d’un geste large le camp, le défilé, la mer et le mur.
— Qui sait comment cela pourrait tourner ? Cela pourrait mener au désastre, comme pour vos Dix Mille à Tempé. Mais, si je puis m’exprimer en ami de vous quatre, je vous adresserai la prière suivante : ne laissez pas votre soif de gloire, ni votre orgueil militaire vous aveugler sur la réalité que vous allez affronter.
» Seule la mort vous attend ici, poursuivit-il. Vos défenseurs ne peuvent espérer résister fût-ce un jour aux multitudes que Sa Majesté lancera contre vous. Et toutes les armées de l’Hellade ne pourront pas sortir victorieuses des batailles à venir. Vous le savez certainement aussi bien que votre roi.
Il fit une pause pour laisser son fils traduire ses propos et analyser leur effet sur le visage des Spartiates.
— Je vous prie, mes amis, d’écouter ce conseil dicté par mon cœur, car je vous porte le plus profond respect, à vous, à votre cité et à sa vaste renommée. Acceptez l’inévitable et laissez-vous gouverner dans l’honneur et la dignité…
— Tu peux t’arrêter ici, ami, coupa Aristodème.
Et Polynice ajouta avec vivacité :
— Si c’est tout ce que tu es venu nous dire, économise ta salive.
Mais l’Égyptien conserva son attitude bienveillante.
— Vous avez, dit-il, ma parole et celle de Sa Majesté : si les Spartiates rendent ici les armes, nul n’aura plus de prestige qu’eux sous la bannière du roi. Aucun Perse ne mettra le pied sur le sol de Lacédémone aujourd’hui ni jamais, Sa Majesté le jure. Votre pays sera suzerain de toute la Grèce. Vos forces occuperont le premier rang dans les unités d’élite de Sa Majesté et elle disposera de toute la fortune et de toute la gloire que ce rang lui assurera. Votre nation n’a qu’à exprimer ses désirs, et Sa Majesté les satisfera. Et, si je puis prétendre connaître son cœur, il comblera ses nouveaux amis de cadeaux dont le nombre et le prix dépassent l’imagination.
Les Alliés écoutaient. Ils suspendirent leur souffle, pendus aux lèvres des Spartiates. Si l’offre de l’Égyptien était faite de bonne foi, et il n’y avait pas de raison de supposer le contraire, elle assurait à Lacédémone la liberté. Tout ce qu’il y avait à faire était de renoncer à la cause hellénique. Qu’allaient donc répondre ces officiers ? Allaient-ils emmener sur-le-champ l’émissaire chez le roi ? Léonidas jouissait d’un prestige suprême chez les pairs et les éphores ; sa parole ferait loi.
Soudain, le destin de l’Hellade balançait au bord du précipice. Les Alliés étaient cloués sur place. Ils attendaient la réaction des quatre Spartiates.
— Il me semble, déclara Olympias avec spontanéité à l’adresse de l’Égyptien, que, si Sa Majesté voulait vraiment s’assurer l’amitié des Spartiates, elle les trouverait bien plus utiles armés que désarmés.
— De plus, ajouta Aristodème, l’expérience nous a démontré que l’honneur et la gloire sont
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