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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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défaillantes. Elle fut jetée à la mer, comme cela s’était produit lors de la déroute des Mèdes. Les hommes s’accrochèrent les uns aux autres, aux pantalons, aux ceinturons et finalement aux chevilles et ceux qui tombèrent entraînèrent les autres. L’étendue et la rapidité de ce massacre massif furent saisissantes, et plus encore à cause de la manière affreuse dont ces hommes périssaient ; ils tombaient de cent quatre-vingts pieds et se fracassaient sur les rochers ou bien se noyaient dans la mer avec leurs armures. Même de là où nous étions, à près d’un stade et demi de distance, nous entendions distinctement les cris de ceux qui tombaient.
    Les Saces furent ceux que Xerxès avait choisis pour reprendre l’assaut. Ils s’étaient massés dans le goulet vers le milieu de l’après-midi. Ils étaient composés de gens des plaines aussi bien que de montagnards, les plus braves auxquels les Alliés eussent eu affaire. Ils se battaient à la hache et, pendant un certain temps, ils infligèrent d’affreuses blessures aux Grecs. Mais à la fin leur propre courage fut la cause de leur défaite ; leur ligne ne se brisait pas, ils ne cédaient pas à la panique ; ils arrivaient vague après vague, escaladaient les cadavres de leurs compagnons et se jetaient en avant, comme s’ils voulaient mourir sur les boucliers et les lances des Grecs. On leur opposa d’abord les Mycéniens, les Corinthiens et les Phliontes, gardant les Spartiates, les Tégéates et les Thespiens en réserve. Mais ces derniers furent presque tout de suite jetés dans la bataille, les Mycéniens et les Corinthiens étant trop épuisés pour continuer. Les réserves, à leur tour exténuées, furent remplacées par une troisième rotation, celle des Orchoméniens et autres Arcadiens, sortis peu auparavant de la précédente offensive pour prendre le temps de manger un morceau et d’avaler une goulée de vin.
    Quand les Saces furent défaits à leur tour, le soleil était bien au-dessus de la montagne. Le champ de bataille, plongé dans l’ombre, avait l’air d’avoir été labouré par les bœufs des Enfers. Il n’y restait pas un pouce carré qui n’eût été retourné. Dur comme de la pierre, il était pourtant détrempé de sang, d’urine et des fluides répandus par les entrailles de ceux qui avaient été dépecés et qui remplissaient par endroits des flaques profondes. Derrière un promontoire proche du camp lacédémonien jaillissait une source consacrée à Perséphone ; c’était là que, le matin où ils avaient repoussé l’assaut des Mèdes, Spartiates et Thespiens s’étaient écroulés, fourbus et triomphants. Dans ce premier moment de salut, et bien que tout le monde sût qu’il serait passager, une vague de joie intense avait baigné le camp allié. Des hommes en armures se faisaient face pour choquer leurs boucliers l’un contre l’autre, pour le seul plaisir du bruit, comme des gamins. Je vis deux Arcadiens échanger des coups de poing sur leurs corselets de cuir, tandis que des larmes de joie coulaient sur leurs joues. D’autres criaient et dansaient.
    Puis une seconde émotion traversa le camp, et celle-là était inspirée par la piété. Les hommes se donnaient l’accolade, émus sous le regard des dieux. Des prières de grâces jaillissaient des cœurs. Mais là, après sept heures de combat, toute piété avait disparu. Les hommes considéraient le paysage d’un œil fixe. L’on avait semé sur ce champ de mort tant de cadavres et de boucliers, tant d’armures fracassées et d’armes brisées que l’esprit n’en concevait ni l’échelle, ni le sens. Les innombrables blessés gémissaient et criaient dans une masse inextricable de membres coupés et de corps mutilés où l’on ne reconnaissait plus personne. L’ensemble évoquait une bête monstrueuse aux dix mille membres, quelque créature cauchemardesque jaillie de la terre fendue et se vidant à présent de ses fluides dans l’élément qui lui avait donné naissance. La paroi de la montagne était rouge de sang jusqu’à hauteur du genou.
    Les visages des soldats alliés s’étaient figés en masques de mort. Les yeux vides au fond des orbites semblaient désertés par le souffle divin, le daimon, soufflé comme une lampe. Une indescriptible fatigue se peignait sur eux et leurs regards inexpressifs semblaient être ceux des Enfers eux-mêmes. Je me tournai vers Alexandros ; il paraissait avoir cinquante ans. Le

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