Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
Vom Netzwerk:
est venu nous livrer. Il escompte des batailles futures beaucoup plus grandes, contre les forces principales de nos armées au cœur de l’Hellade. Et c’est pour ces batailles qu’il réserve la fleur de son armée, les hommes que voilà. Il sera économe de leurs vies, je vous l’assure. Quant à leur nombre, ils sont dix mille et nous sommes quatre. Mais chacun de ceux que nous tuerons comptera pour lui comme un régiment. Ils sont pour lui comme son or pour l’avare. Tuez-en mille et le reste craquera. Mille et leur maître retirera les autres. Est-ce que vous pouvez m’en tuer mille ?

3
    Sa Majesté jugera le mieux de la prédiction de Léonidas.
    Qu’il suffise de rappeler que la nuit trouva les Immortels battant piteusement en retraite sur les ordres de Sa Majesté, ainsi que Léonidas l’avait prédit. Ils laissèrent les blessés et les mourants sur le carreau.
    Derrière le Mur, le spectacle était pareillement désastreux. Une averse avait inondé le camp peu après la tombée de la nuit, éteignant les quelques feux qui restaient allumés et dont personne ne s’occupait, car tous les efforts des servants étaient consacrés aux soins des blessés et des estropiés. Des glissements de terrain sur le Kallidromos avaient inondé le camp de boue et de pierres. Là, les vivants se traînaient parmi les morts, dont plusieurs portaient encore leur armure, et le sommeil des autres était si profond qu’on peinait à les différencier des morts. Tout était trempé et couvert de boue. Les réserves de pansements avaient été depuis longtemps épuisées et les tentes des clients des bains, réquisitionnées comme abris par les éclaireurs skirites, avaient été réduites en compresses. L’odeur du sang et de la mort était si lourde que les ânes des chariots d’intendance se mirent à braire et ne purent être calmés de toute la nuit.
    Il y avait un autre surnuméraire dans le contingent allié, en plus du Joueur de Balle ; c’était un marchand de Milet, un emporos nommé Éléphantin. Un jour avant d’arriver aux Portes, la colonne alliée l’avait rencontré en traversant Doris, près de son chariot avarié. En dépit de son infortune, cet homme était d’excellente humeur et partageait des pommes vertes avec son âne entravé. Au-dessus de son chariot se dressait un calicot, informant le passant de ses bonnes dispositions. Notre homme avait voulu écrire : « Le meilleur service est pour toi seul, ami. » Mais il avait commis plusieurs fautes d’orthographe, notamment dans le mot « ami », philos, qu’il avait écrit phimos, le terme dorique pour le prépuce. Le calicot annonçait donc : « Le meilleur service est pour toi seul, prépuce. »
    Cela lui valut un succès instantané. Plusieurs servants furent envoyés pour le dépanner, ce qui lui arracha maintes expressions de gratitude.
    — Et où donc, si l’on peut demander, va cette magnifique armée ? dit-il.
    — Elle va mourir pour l’Hellade, répondit quelqu’un.
    — Comme c’est admirable !
    Vers minuit, ce rémouleur arriva au camp, car il avait suivi l’armée jusqu’aux Portes. Il y fut accueilli avec enthousiasme. Sa spécialité consistait à aiguiser l’acier et il s’y déclara hors pair. Cela faisait des décennies qu’il aiguisait les faux des fermiers et les hachoirs des ménagères. Il savait comment donner du tranchant à la truelle la plus obtuse et de plus, dit-il, il offrait ses services à l’armée en paiement de la bonté qu’elle lui avait manifestée sur la route.
    Pour souligner certains propos, il les accompagnait d’une expression favorite avec un fort accent ionique : « Ouvre l’œil sur ça ! » L’expression fut adoptée sur-le-champ par toute l’armée, accent compris.
    — Du fromage et des oignons de nouveau, ouvre l’œil sur ça !
    — Double entraînement toute la journée, ouvre l’œil sur ça !
    L’un des deux Léon du peloton de Dienekès, Léon Vit d’Ane, réveilla le marchand le lendemain à l’aube en agitant sous son nez une érection formidable et en criant :
    — On appelle ça un phimos, ouvre l’œil sur ça !
    Ce marchand devint une mascotte de la troupe. Jeunes et vieux l’accueillaient à tous les feux ; on le considérait comme un conteur, un joyeux drille, un farceur et un ami. Après les massacres du premier jour, il devint le confident des jeunes guerriers dont il s’occupait comme si c’étaient ses fils. Il passait la nuit

Weitere Kostenlose Bücher