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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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exigeait présentement un changement de trame. Le nommé Xéon se ressaisit et, après avoir demandé la permission de s’humecter la gorge avec du vin, reprit son récit.
    *
    Deux étés après cet incident, je fus témoin à Sparte d’une autre punition : celle d’un jeune Spartiate battu à mort sur l’ordre de ses instructeurs d’entraînement.
    Le garçon, âgé de quatorze ans, s’appelait Tériandre et on le surnommait Trois-Pieds, parce qu’aucun autre de son âge ne pouvait le jeter à terre dans la lutte. Dans les années qui suivirent, je vis deux douzaines d’autres garçons subir son sort et, comme lui, sans pousser un soupir de douleur.
    Le fouet, à Sparte, fait partie de l’entraînement des garçons, non parce qu’ils auraient volé de la nourriture, exploit auquel on les encourageait pour développer leur débrouillardise dans la guerre, mais parce qu’ils y avaient été surpris. La flagellation a lieu devant le temple d’Artémis Orthia, dans une allée étroite qu’on appelle la Piste. Dans de moins lugubres circonstances, le site, qui est ombragé par des platanes, est assez plaisant.
    Trois-Pieds avait été le onzième garçon fouetté ce jour-là. Les deux instructeurs, ou eirenes, qui lui administraient le châtiment avaient été remplacés par deux jeunes gens de vingt ans, frais émoulus de l ’agogê et aussi bien bâtis que tous les jeunes gens de la ville. Le châtiment était ainsi administré : le garçon dont c’était le tour d’être puni saisissait une barre de fer fixée entre deux arbres et polie par des décennies, certains disaient des siècles d’usage, et il était fouetté à tour de rôle par les eirenes, avec des baguettes de bouleau grosses comme le pouce. Une prêtresse d’Artémis, auprès du garçon, lui présentait une antique statue de bois qui, comme le voulait la tradition, devait être aspergée de sang.
    Deux des camarades du garçon, de sa compagnie d’entraînement, se tenaient à genoux de part et d’autre pour le retenir quand il s’écroulait. Un garçon pouvait mettre fin à son supplice en lâchant la barre et en mordant la poussière.
    Théoriquement cela n’advenait que lorsqu’il avait perdu connaissance, mais il en était qui le faisaient simplement parce que la douleur était devenue intolérable. L’on comptait dans l’assistance de cent à deux cents garçons ce jour-là, certains qui appartenaient à d’autres compagnies, des pères, des frères, des mentors et quelques mères qui se tenaient discrètement à l’arrière.
    Trois-Pieds endurait sans défaillir. La peau de son dos avait été déchirée en maints endroits ; on lui voyait les muscles, la cage thoracique et même la colonne vertébrale. Mais il ne lâchait pas. Tombe ! lui conseillèrent ses deux camarades. Mais il refusa. Même les instructeurs d’entraînement commençaient à siffler entre leurs dents. Il suffisait d’un coup d’œil sur le visage du garçon pour comprendre qu’il était devenu fou. Il était résolu à mourir plutôt que de demander grâce. Les eirenes firent donc ce qu’on leur avait recommandé de faire dans un tel cas : administrer à Trois-Pieds quatre coups successifs si forts qu’il en perdrait connaissance ; ainsi lui sauverait-on la vie. Je n’oublierai jamais le bruit de ces quatre coups-là sur le dos du garçon. Trois-Pieds s’écroula. Les instructeurs déclarèrent sur-le-champ que la punition avait pris fin et convoquèrent le garçon suivant.
    Trois-Pieds parvint à se mettre à quatre pattes. Le sang jaillissait de sa bouche, de son nez, de ses oreilles. Il ne pouvait ni voir ni parler. Il parvint à se tourner et presque à se tenir debout, puis il s’effondra sur son séant, demeura ainsi un moment et s’écroula d’un coup dans la poussière. Il fut d’emblée évident qu’il ne se relèverait pas.
    Plus tard dans la soirée, quand les flagellations prirent fin, car elles n’avaient pas été interrompues par la mort de Trois-Pieds, mais continuèrent pendant trois heures, Dienekès, qui y avait assisté, se retira à part avec son protégé Alexandros. C’était le garçon que j’ai déjà mentionné et dont j’étais le servant ; il comptait douze ans mais n’en paraissait pas plus de dix ; il était déjà un admirable coureur, mais très mince et de caractère sensible. Et il avait été lié d’affection à Trois-Pieds ; ce dernier avait été en quelque sorte son gardien et

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