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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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n’étions plus maîtres de nous-mêmes et que nous n’appartenions à aucune cité.
    Pendant l’une de ces nuits dévorées de fièvre, une dizaine de jours après l’incident à la ferme, Diomaque et Bruxieus m’enveloppèrent dans des peaux et partirent braconner. Comme il neigeait, ils espéraient profiter du silence pour attraper un lièvre ou une volée de coqs de bruyère qui se serait abattue à terre.
    C’était l’occasion, et je décidai d’en profiter. J’attendis que Bruxieus et Diomaque fussent hors de vue pour laisser derrière moi peaux, manteau et molletons pour les jambes et je m’élançai pieds nus dans la neige.
    J’escaladai pendant ce qui me parut être des heures, mais qui ne dura sans doute pas plus de cinq minutes. J’étais saisi de fièvre, aveuglé comme les cerfs, mais doté d’un sens infaillible de l’orientation. Je trouvai un endroit dans un bosquet de pins et je sus d’emblée que c’était là que je devais aller. Un sens profond des convenances me guidait et je voulais que tout fût accompli dignement, sans déranger Bruxieus ni Diomaque.
    Je choisis un arbre et m’assis contre son tronc, afin que son esprit, qui touchait à la fois à la terre et au ciel, conduisît le mien hors de ce monde. Oui, cet arbre-là. Je sentis le Sommeil, frère de la Mort, avancer sur la pointe des pieds. Mes reins et mon ventre commencèrent de devenir insensibles ; quand l’engourdissement atteindrait le cœur, me dis-je, je m’en irais. Puis une pensée alarmante s’empara de moi.
    Et si ce n’était pas le bon arbre ? Peut-être aurais-je dû m’adosser à cet autre-là ? Ou bien cet autre, là-bas. L’indécision m’emplit de panique. Je m’étais trompé d’endroit ! Il me fallait me lever, mais je ne parvenais plus à me redresser. Je gémis. Voilà que je manquais même ma mort. Et, tandis que la panique et le désespoir atteignaient leur pinacle, je découvris avec saisissement un homme au-dessus de moi dans le bosquet.
    Ma première pensée fut qu’il pourrait m’aider à me relever. Et à me décider. Nous choisirions ensemble l’arbre qu’il fallait et il m’adosserait contre celui-là. Mais des profondeurs de mon esprit, une question surgit obscurément : que faisait cet homme à cette heure-là et dans la tempête ?
    Je clignai des yeux et je tentai de toutes mes forces de concentrer mon regard. Non, je ne rêvais pas, quel qu’il fût, cet homme était bien là. Je me dis confusément que ce devait être un dieu. Je m’avisai vaguement que ma conduite était impie à son égard. Je l’offensais. À coup sûr, les convenances exigeaient de moi la terreur ou le respect, voire l’agenouillement. Pourtant son attitude n’était pas grave, mais étrangement désinvolte, et elle semblait signifier : ne te donne pas la peine, cela va comme cela. La situation semblait lui convenir. Je savais qu’il allait parler et que ses mots revêtiraient pour moi une importance suprême, dans cette vie-ci ou dans celle où j’allais passer. Je devais tout écouter attentivement et ne rien oublier.
    Son regard se fixa sur moi avec une bienveillance amusée.
    — J’ai toujours pensé, dit-il avec un calme majestueux, et ce ne pouvait être là que la voix d’un dieu, que la lance était une arme plutôt inélégante.
    Quelle étrange déclaration, me dis-je. Et pourquoi « inélégante » ? J’eus le sentiment que le mot était délibérément choisi, que c’était le terme précis choisi par le dieu. Il semblait revêtir pour lui des significations secrètes que je ne pouvais percevoir. Puis je vis l’arc d’argent pendu à son épaule.
    L’Archer. Apollon aux flèches qui vont loin.
    Dans une illumination qui n’était ni un éclair ni une révélation, mais la plus simple et la moins compliquée des perceptions du monde, je compris tout ce que ses mots et sa présence impliquaient. Je sus ce qu’il signifiait et ce que je devais faire.
    Ma main droite. Ses tendons sectionnés ne pourraient jamais parvenir à saisir une lance. Mais les phalanges pourraient saisir et tirer la corde d’un arc. Ma main gauche, bien qu’elle ne pût mobiliser assez de force pour tenir la poignée d’un bouclier, pouvait saisir l’armature d’un arc et le bander dans toute son ampleur.
    L’arc. L’arc me sauverait.
    Les yeux de l’Archer plongèrent avec bienveillance dans les miens, un dernier instant. Avais-je compris ? Son regard ne semblait pas tant demander

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