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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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ce traître, devenu espion, pouvait représenter une source inestimable de renseignements pour l’armée ? Pourquoi son fils ne s’était-il donc pas enquis du nom de ce pêcheur ?
    — Votre serviteur ne le sait pas, madame. Ou peut-être connaissait-il son nom et ne me l’a-t-il pas dit.
    — Parle en ton nom propre, me reprit sèchement Paraleia. Tu n’es pas un esclave, n’en prends pas le ton.
    — Oui, madame.
    — Ce garçon a besoin d’une boisson, mère, dit Eleiria avec un petit rire.
    — Regarde-le. Si son visage continue à rougir, il en sortira du sang.
    L’interrogatoire se poursuivit pendant une autre heure. Ce qui ajoutait à mon malaise était l’effet de la personne physique de Paraleia : elle ressemblait étrangement à son fils. Même beauté et même dépouillement. Les femmes et les jeunes filles de mon Astakos natale, de même que celles de toutes les autres cités d’Hellade, se servent de cosmétiques pour relever leurs charmes. Elles sont conscientes de l’effet que produisent sur tout mâle des environs le brillant de leurs boucles et le carmin de leurs lèvres. Mais ce n’était pas dans les mœurs de Paraleia, ni d’Aretê d’ailleurs. Sans doute sa robe, fendue sur le côté, laissait-elle voir sa jambe jusqu’à la cuisse, ce qui eût été considéré comme licencieux et même scandaleux dans toute autre cité ; mais à Lacédémone, c’était banal ; cela signifiait : ceci est une jambe et nous autres femmes nous en sommes pourvues tout comme vous les hommes. Il eût été impensable qu’un Spartiate attardât son regard sur une femme ainsi vêtue ; ils avaient vu leur mère et leurs sœurs nues depuis qu’ils étaient enfants, car femmes et filles s’entraînaient nues dans leurs gymnases.
    Elles n’ignoraient cependant pas l’effet de leur séduction, même sur un garçon tel que moi. Et là, devant elles, je ne pus m’empêcher de penser à Diomaque et à ma mère. Je revis les jambes nues, vigoureuses et bien faites de Diomaque, quand nous courions derrière un lièvre ou un chevreuil, à la suite de nos chiens, je revis son bras satiné quand elle bandait son arc, ses yeux qui se plissaient jusqu’à devenir des fentes et le hâle de sa jeunesse et de sa liberté qui s’éclairait quand elle souriait. Je revis ma mère, qui n’avait à sa mort que vingt-six ans et dont rien dans ma mémoire n’égalait la douceur et la noblesse.
    Je fis appel à toutes mes capacités de maîtrise pour celer l’effet de ces réminiscences et pour continuer à répondre aux questions de Paraleia. Elles semblaient toucher à leur fin.
    — Réponds à une dernière question. Parle franchement. Si tu mens, je le saurai. Mon fils a-t-il du courage ? Évalue sa vaillance virile, comme un jeune homme qui devra bientôt assumer sa place de soldat.
    À l’évidence, ce terrain-là était semé de chausse-trappes. Comment répondre ? Je me redressai.
    — Les pelotons d’entraînement del’ agogê comptent quatorze cents garçons. Un seul de ceux-ci a eu la témérité de suivre l’armée, et cela au défi de la volonté de sa mère, sans parler de l’entière connaissance de la punition qui l’attendrait à son retour.
    Paraleia y réfléchit.
    — C’est une réponse de politique, mais elle est bonne. Je l’accepte.
    Elle remercia Aretê pour avoir organisé cet entretien de manière confidentielle, et je fus prié d’attendre dans la cour. La servante de Paraleia attendait toujours, l’air entendu. Sans doute aucun, elle avait écouté tout ce qui s’était dit et, dès l’aube suivante, toute la vallée de l’Eurotas en résonnerait. Peu après, Paraleia sortit de la salle, sans daigner me regarder ni me parler et elle suivit sa servante le long du chemin, à la lueur d’une torche.
    — As-tu l’âge de boire du vin ?
    C’était Aretê qui s’adressait à moi depuis le seuil et me faisait signe de la suivre. Elle me servit elle-même mon bol de vin, coupé de cinq parties d’eau, comme il est commun pour un garçon. Je le bus avec gratitude. Mais cette nuit d’entretiens n’avait apparemment pas pris fin.
    Aretê m’invita à m’asseoir et prit la place de la maîtresse de maison, près de l’âtre. Elle posa un morceau de pain d’orge, l’ alphita, devant moi, et apporta de l’huile, du fromage et des oignons.
    — Prends patience, cette nuit avec des femmes s’achèvera bientôt. Tu retourneras auprès des hommes, avec

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