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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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à la lumière de la lampe, sans indignation ni colère.
    — Un garçon de ton état devrait craindre la femme d’un pair tel que mon mari. Dis-moi : pourquoi n’as-tu pas peur de moi ?
    Je ne m’en avisai qu’au moment où elle le dit ; de fait, je n’avais pas peur.
    — Je ne sais pas, madame. Peut-être parce que tu me rappelles quelqu’un.
    Elle continua de me dévisager attentivement.
    — Parle-moi d’elle, ordonna-t-elle.
    — Qui ?
    — Ta mère.
    Je rougis. Cela me dérangeait qu’elle devinât mes pensées avant que je les dise.
    — Vas-y, bois un peu de vin. Tu n’as pas besoin de faire le faraud devant moi.
    Au diable. Je pris le vin. Il fut efficace. Je racontai brièvement le sac d’Astakos et le meurtre de ma mère et de mon père par les soldats de l’ombre d’Argos.
    — Les Argiens ont toujours été des couards, dit-elle d’un ton méprisant qui, plus que toute autre chose et plus qu’elle ne le soupçonnait, me la rendit sympathique.
    Il était évident qu’avec ses oreilles fines, elle avait déjà appris mon histoire ; pourtant, elle m’écouta attentivement, semblant réagir avec compassion à mon propre récit.
    — Tu as eu une vie malheureuse, Xéon, dit-elle, m’appelant par mon nom pour la première fois.
    À ma surprise, cela m’émut profondément et je m’efforçai de ne pas le laisser voir. Je faisais appel à toute ma maîtrise de mes émotions pour m’exprimer correctement en grec, comme il convenait à un homme né libre, et pour me tenir de façon digne, non seulement à son égard, mais en l’honneur de mon pays et de ma lignée.
    — Et pourquoi, demanda-t-elle, un garçon qui a perdu sa ville témoigne-t-il tant de loyauté à l’égard de ce pays étranger qu’est Lacédémone, auquel il n’appartient pas et n’appartiendra jamais ?
    J’en savais la réponse, mais j’ignorais jusqu’où je pouvais faire confiance à Aretê. Je répondis obliquement, évoquant brièvement Bruxieus.
    — Mon tuteur m’a dit qu’un garçon doit appartenir à une cité, sans quoi il ne deviendra pas vraiment un homme. Étant donné que je n’avais plus de ville, je me suis senti libre de choisir celle que je voulais.
    C’était pour Aretê un point de vue inconnu, mais je voyais qu’elle l’approuvait.
    — Mais alors, pourquoi n’as-tu pas choisi une ville riche, qui t’offrait des chances ? Thèbes, Corinthe ou Athènes ? Tout ce que tu auras ici, c’est du pain et le fouet.
    Je répondis en citant Bruxieus, qui nous avait jadis dit, à Diomaque et moi, que les autres cités produisaient des monuments et de la poésie, mais Sparte faisait des hommes.
    — Est-ce vrai ? demanda Aretê. En toute franchise, maintenant que tu as pu te familiariser avec le pire et le meilleur de notre cité ?
    — C’est vrai, madame.
    Elle parut profondément émue. Quand elle reprit la parole, sa voix était rauque.
    — Ce que tu as entendu dire du pair Idotychide est vrai. Il était le père de ton ami le Coq. Et il était mon frère.
    Elle vit ma surprise.
    — Tu ne le savais pas ?
    — Non, madame.
    Elle domina le chagrin qui avait menacé de l’envahir.
    — Tu vois donc, dit-elle en s’efforçant de sourire, pourquoi le Coq est en quelque sorte mon neveu et pourquoi je suis pour lui une tante.
    Je bus une autre gorgée de vin et elle sourit.
    — Puis-je demander pourquoi ta famille n’a pas adopté le Coq et ne l’a pas présenté comme mothax ?
    C’était une dispense spéciale qu’à Lacédémone on accordait aux garçons de rang inférieur et aux bâtards de père Spartiate ; elle leur permettait, en dépit de leur naissance, d’être adoptés et relevés, et de s’enrôler dans l’agogê ; ils s’entraînaient alors aux côtés des fils de pairs. Et s’ils montraient assez de mérite et de courage dans la bataille, ils pouvaient même devenir citoyens.
    — Je l’ai proposé à ton ami plus d’une fois, répondit-elle, et il a refusé.
    L’incrédulité se lisait sur mes traits.
    — Il l’a fait avec respect, ajouta-t-elle, et beaucoup de courtoisie. Mais fermement.
    Elle réfléchit un moment.
    — Il y a une autre singularité qu’on observe chez les esclaves, et notamment ceux des peuples conquis, comme le Coq, puisque sa mère était messénienne. Dans leur orgueil, ils s’identifient souvent avec les plus humbles de leur classe, peut-être par dépit, ou peut-être parce qu’ils ne veulent pas demander des

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