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Les murailles de feu

Les murailles de feu

Titel: Les murailles de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Pressfield
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d’années. Nous versons des larmes aujourd’hui pour éviter de verser demain notre sang. Polynice n’essayait pas ce soir de te nuire, mais de t’enseigner cette discipline de l’esprit qui chasse la peur quand la trompette sonne et que les flûtistes rythment le pas. Rappelle-toi ce que je t’ai dit sur la maison qui compte bien des chambres. Il y a des chambres où nous ne devons pas entrer. La colère. La peur. Et toute passion qui entraîne l’esprit vers la possession, qui est l’ennemie des hommes à la guerre.
    Ils s’arrêtèrent sous un chêne et s’assirent.
    — T’ai-je parlé de l’oie que nous avions sur les terres de mon père ? Elle avait l’habitude étrange de donner trois coups de bec dans un certain endroit du pré avant de se jeter à l’eau avec ses frères et sœurs. J’étais gamin et je m’en émerveillais. L’oie sacrifiait immanquablement à son habitude, elle ne pouvait apparemment faire autrement. Un jour, je me mis en tête de l’en empêcher. Je m’installai sur le fameux endroit de sa superstition. Je n’avais alors que quatre ou cinq ans et je m’obstinai à empêcher l’oie de s’en approcher. Elle devint furieuse et m’attaqua jusqu’au sang à coups d’ailes et de bec, et je pris la fuite. Une fois qu’elle se fut calmée, elle donna ses trois coups de bec dans l’herbe et s’en alla dans l’eau, parfaitement contente.
    Les pairs aînés rentraient chez eux et les jeunes hommes et les garçons allaient prendre leurs quartiers.
    — L’habitude est une grande alliée, mon jeune ami. L’habitude de la peur ou de la colère, et l’habitude de la maîtrise de soi et du courage.
    Il donna une tape amicale sur l’épaule du garçon et ils se levèrent.
    — Va maintenant. Dors un peu. Je te promets qu’avant que tu revoies le combat, nous t’aurons armé des habitudes les plus utiles.

2
    Quand les jeunes gens s’éloignèrent, Dienekès et son servant Suicide regagnèrent la route pour rejoindre d’autres officiers ; ceux-ci se préparaient à participer à l’organisation des prochains jeux funéraires. Un garçon hilote s’élança alors vers Dienekès, qui passait devant le réfectoire, pour lui remettre un message. J’allais me diriger avec Alexandros vers les portiques de la place de la Liberté et m’y installer pour la nuit quand un sifflement strident m’arrêta. À ma surprise, c’était Dienekès. Je m’empressai d’aller vers lui et me rangeai respectueusement à sa gauche, du côté de son bouclier.
    — Sais-tu où est ma maison ? demanda-t-il.
    C’était la première fois qu’il s’adressait directement à moi. Je répondis que je le savais.
    — Vas-y tout de suite. Ce garçon te conduira.
    Sans plus dire, il rejoignit le corps des officiers en route vers l’Assemblée. J’ignorais ce qu’on attendait de moi. Je demandai au garçon s’il n’y avait pas un malentendu et s’il était sûr que c’était moi qu’on mandait.
    — C’est bien toi, et nous ferions bien de nous hâter.
    La maison citadine de la famille de Dienekès ne se trouvait pas dans les campagnes où travaillaient les hilotes, à une trentaine de stades au sud, le long de l’Eurotas, mais à deux rues de la route de la Mer Calme, à l’ouest du village de Pitana. Elle était isolée, à l’orée d’un bois de vieux chênes et d’oliviers. C’était autrefois une ferme, et elle conservait le charme rustique d’une propriété campagnarde. Elle était sans prétention et moins imposante même que la maison de mon père à Astakos, mais la cour et les alentours, plantés de myrtes et de jacinthes se présentaient comme un havre de charme. On l’abordait par des plates-bandes fleuries ouvrant sur une étendue de sérénité, passant les villas d’autres pairs, dont les foyers flambaient dans la nuit fraîche et dont s’échappaient des cris joyeux d’enfants et des aboiements de chiens. Rien n’était plus éloigné des rigueurs de l’entraînement et de la guerre que ce site verdoyant.
    La fille aînée de Dienekès, Eleiria, qui avait alors onze ans, m’ouvrit la porte. J’aperçus des murs bas et chaulés, couronnés de pots de fleurs et entourant une cour de briques parfaitement balayée. Des jasmins fleurissaient sur l’armature d’une pergola, des glycines et des lauriers-roses décoraient la façade. Un ruisselet chantait dans une rigole de pierre pas plus large que la main, le long du mur du nord. Une servante inconnue

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