Les murailles de feu
de cet enfant afin de vous permettre de l’égorger plus commodément. Lequel d’entre vous, enfants d’Héraklès, tranchera donc la gorge de cet enfant ? Toi, Polynice ? Toi, mon mari ?
D’autres cris de scandale s’élevèrent, sommant la femme de vider tout de suite les lieux. Dienekès lui-même l’exigea dans les termes les plus nets. Aretê ne broncha pas.
— Si le seul enjeu n’était que la vie de ce jeune homme, dit-elle en indiquant le Coq, j’obéirais sans hésitation à mon mari et à vous, les pairs. Mais qui d’autres, vous, les héros, entendez-vous assassiner de surcroît ? Les demi-frères du garçon ? Ses oncles, ses cousins, leurs femmes, leurs enfants, tous innocents et tous indispensables à l’heure du danger ?
On lui rétorqua que ça ne la regardait pas.
Le boxeur Actéon s’adressa directement à elle.
— Avec tout le respect que je te dois, femme, il est bien évident que ton intention est d’éviter l’extinction de l’honorable lignée de ton frère, même sous sa forme bâtarde que voici, dit-il en indiquant l’enfant.
— Mon frère a déjà atteint une renommée impérissable, répondit Aretê avec vivacité, ce qui est plus qu’on n’en pourrait dire d’aucun de vous. Non, c’est la simple justice que j’entends demander. Le bébé que vous vous disposez à égorger n’est pas le fils de ce garçon, le Coq.
Cette déclaration parut tellement incongrue qu’elle en était presque absurde.
— Quel en est donc le père ? demanda Actéon d’un ton impatient.
— Mon mari, répondit Aretê sans hésitation.
Des protestations incrédules fusèrent.
— La vérité est une déesse immortelle, femme, dit sévèrement le doyen Médon. Il est recommandé de réfléchir avant de l’offenser.
— Si vous ne me croyez pas, demandez à la mère.
Les pairs n’accordaient aucun crédit à l’affirmation scandaleuse d’Aretê. Et cependant, tous les regards se concentraient sur l’infortunée mère de famille Harmonia.
— C’est mon enfant, clama le Coq, et celui de personne d’autre.
— Laisse la mère parler, coupa Aretê et, se tournant vers Harmonia : De qui est-il le fils ?
La malheureuse bredouillait de confusion. Aretê tendit l’enfant vers les pairs.
— Voyez, il est bien fait, avec des membres forts, une bonne voix et cette vigueur au berceau qui présage de la force dans la jeunesse et du courage à l’âge adulte.
Et s’adressant derechef à Harmonia :
— Dis à ces hommes : mon mari a-t-il couché avec toi ? Cet enfant est-il le tien ?
— Non… Oui… Je ne…
— Parle !
— Femme, tu terrorises cette fille.
— Parle !
— Il est de ton mari, marmonna la fille, et elle fondit en larmes.
— Elle ment ! cria le Coq, ce qui lui valut un méchant coup, et le sang coula de sa lèvre fendue.
— Évidemment, elle ne te le dirait pas à toi, son mari, dit Aretê au Coq.
— Aucune femme ne l’avouerait. Mais ça ne change pas les faits.
Polynice montra le Coq de la main.
— Pour la seule fois de sa vie, ce gredin a dit la vérité. Il a bien engendré ce marmot, comme il le dit.
Plusieurs autres clameurs appuyèrent vigoureusement son opinion.
Médon s’adressa alors à Aretê.
— Je préférerais affronter une lionne à mains nues que ta colère, femme. Et l’on ne peut que louer ta volonté, en tant qu’épouse et mère, d’épargner un innocent. Néanmoins, nous, dans ce réfectoire, nous avons connu ton mari depuis qu’il était un enfant comme celui-là. Personne dans la cité ne le surpasse quant à l’honneur et à la fidélité. Nous avons plus d’une fois partagé son intimité en campagne, quand il avait l’occasion, l’ample occasion d’être infidèle. Mais il n’a pas une fois défailli.
Les autres confirmèrent ces propos avec emphase.
— Alors demandez-lui, déclara Aretê.
— Nous ne ferons rien de tel, femme, répondit Médon. Le seul fait de l’interroger sur son honneur serait infâme.
Et les pairs opposèrent à Aretê un mur aussi ferme qu’une phalange. Et cependant, loin d’être intimidée, elle les affronta avec audace et sur le ton du commandement.
— Je vais vous dire ce que vous allez faire, déclara-t-elle, se plantant devant Médon comme si elle était son chef. Vous allez reconnaître l’enfant comme le rejeton de mon mari, toi Olympias, et toi Polynice, vous serez ses tuteurs et vous l’enrôlerez dans l ’agogê. Vous
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