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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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velouté pourpre, autour de sa chair pâle, rendait la scène aussi belle qu’un cérémonial. Beauté du jour levant, beauté de cette jeunesse prime dont aucun geste brusqué ne venait contrarier la grâce. Il se souvint de la cascade où il avait surpris, sans qu’elle s’en fut aperçue, Adelis nue. Il y avait quelque chose de païen dans cette toilette en plein air. Avec Blandine, il assistait à un rite. Ah ! comme elle révérait son corps !
    Il hésita, puis se leva sur un coude, se demandant s’il n’enfreignait pas quelque loi dont jamais, cependant, elle n’avait fait état. Il s’aperçut qu’il avait peur de l’effaroucher, de la décevoir, bien que ces gestes fussent naturels et répétés chaque matin ; bien qu’il n’hésitât pas, lui, à être nu devant elle ; bien qu’elle n’eût pas hésité, la veille, à l’empoigner pour obtenir du plaisir !
    — Tu es bien belle, dit-il.
    Ahurie, furieuse sans doute, elle plaça la grande touaille devant elle, des seins aux cuisses, tandis qu’il observait sans vouloir l’offenser :
    — On dirait que tu cherches protection derrière un grand pavois !… Mais où sont ton carquois et ton arbalète ?
    Il riait. Les miasmes de la nuit s’étaient évaporés. Il ne voulait pas retrouver, ce jour d’hui, l’épouse obstinée, ombrageuse, mais la femme qu’il avait pressentie, douce, charnelle, gaie, encline à la turbulence des sens ; la compagne sensible et subtile, en un mot, la fée de sa vie.
    — Ferme les yeux… Laisse-moi finir…
    Il reconnut à peine sa voix tremblante, impérative, et crut même, au mouvement qui venait de gonfler la serviette, qu’elle avait tapé du pied sur les dalles comme une fillette courroucée.
    — Voilà que je t’effraye et te déplais, dirait-on !… Je connais ta nudité aussi bien que tu connais la mienne.
    Il n’osait plus l’appeler « ma douce » tant il lui découvrait un côté rafleux et fier. Il n’osait plus, même, dire un mot. Il se compara soudain à un jeune arbre chargé d’espérance et de sève sur le tronc duquel s’abat le premier coup de hache. Fermant les paupières, il vit encore sa femme, liliale et limpide, avec ses hanches légères, ses flancs purement incurvés, les longues cannelures de son dos dissoutes entre les deux masses fermes baignées de lumière.
    Dire qu’il avait rêvé de cette nudité, de ce blason. D’or au pal de sable… rose aussi… Ah ! oui, que de rêves, surtout chez Sirvin quand il devait rester au lit. Il était alors si occupé de ses sentiments, de ses desseins d’amour et des lascivités qu’ils susciteraient une fois exaucés, que les journées coulaient sans trop de lenteur. Le nom adoré cognait dans son cœur et sa tête… Et voilà que la surprenant nue, gracieuse, attirante, le mésaise de la veille le reprenait avec, semblait-il, plus de mordant, de vigueur… Se lever, s’emparer de ce trésor. De ces trésors… Il en avait le droit devant Dieu !
    « Si elle s’est regimbée, c’est que… »
    Que quoi ? Il n’allait plus au bout de ses pensées. Nue, le soir de leurs noces, il s’était montré doux et patient avant que de trouver en elle la vierge qu’il chérissait. Ils s’étaient emmêlés, essoufflés, se fournissant l’un l’autre, impudiquement et licitement, les preuves de leur passion. Et maintenant, un seul de ses regards faisait scandale !
    Il se leva et tenta l’impossible :
    — Viens dans mes bras.
    — Non… Pas maintenant.
    Elle avait répondu d’un air négligent, mais formel. Atteint, désenchanté, des ondes de fiel s’épanouirent en lui ; un colletin de feu serra sa gorge.
    — D’ailleurs, n’as-tu pas ouï tes hommes ? Ils sont levés.
    Elle avait dit «  tes hommes  » sur un ton pointu, comme si leurs relations eussent été des plus louches. Il se laissa retomber dans les draps, les dents serrées sur un gémissement de douleur, plus que d’enragerie. Tout en se reprochant son désir et sa promptitude à l’avoir exprimé, il conservait, cependant, le sentiment d’un bannissement injuste, intolérable, contre lequel il devait s’élever moins pour faire preuve d’autorité que pour se regimber d’une humiliation imméritée. Il l’avait toujours prise par la douceur après de longues et tendres commençailles. Il avait toujours envie d’elle, plus encore que le moment précédent : la fureur décuplait son désir de la voir étendue sous lui,

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