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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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combien il tenait à ce que tout fût toujours clair entre eux. Maintenant, immobile, jambes réunies et les mains sans doute assemblées sur son ventre, elle ne disait mot.
    — Tu dors ?
    Se penchant, il s’aperçut qu’elle dormait pour de bon. Il en fut soulagé. Sur ce lit imprégné de l’encens de leurs corps, dans cette ombre doucement pénétrée par les fraîcheurs onduleuses du Nançon, il se mit à penser à Tancrède avec une intensité qui ne fit qu’aggraver son mésaise. Il l’avait presque oubliée ? Blandine la ressuscitait ! La hanche de son épouse contre la sienne le contraignait aussi à des comparaisons !… Tancrède… Même flexibilité que Blandine, mais un corps plus solide, plus nerveux, épilé comme un marbre. On disait que les pucelles et dames nobles rasaient toutes leurs toisons… Pas Blandine. Et après ? Il n’aimait nullement Tancrède ; il ne l’avait jamais aimée. Il avait eu le fol et incessant désir d’y goûter, et cela lui picotait l’esprit plus que les reins et les entrailles. Sans doute la mâtine avait-elle éprouvé cette envie, mais sûrement avec moins d’insistance puisque férue d’autres embrassements. Qu’elle se fût décidée à lui ouvrir sa couche ne prouvait rien, sinon qu’il pouvait lui advenir de renier sa vraie nature et ses vrais penchants par solas [167] ou gratitude, sans que son cœur à elle aussi fût engagé… N’y plus penser. Elle n’y pensait sûrement plus, elle ! Mais à quels rêves inconcevables, à quelles méditations saumâtres pouvait bien se livrer Blandine !
    « On dit que la jalousie est fille de l’amour… »
    Sans doute. Cependant, si Blandine se révélait empeurée d’un fantôme, comment pourrait-il la rassurer ? Pareille anxiété le touchait, l’aigrissait, et la maussaderie née de cet état lui portait préjudice, puisqu’elle la tourneboulait, elle. Il se souvint d’un mal de dent lorsqu’il avait onze ans. Le premier. Terrible avec des rémissions qui apparaissaient comme des enivrements. Cette douleur dans sa mâchoire et dans sa tête, ses immobilités en l’espérance d’un mieux fugace, qui tardait de plus en plus à venir, et cette paix si fragile qu’un simple petit mouvement la mettait en charpie… Bon sang ! Il faudrait qu’il le lui dise à voix forte, une fois pour toutes : le passé était ensépulturé ; seuls le présent et l’avenir importaient et il n’accomplirait rien, pour sa part, qui pût en compromettre la tranquillité. Il lui dirait comment dans les ténèbres du donjon d’Angle lors de sa longue immuration, puis après leur seconde séparation, à Poitiers, trois mois plus tard, il avait été si occupé de ses sentiments pour elle que ses desseins de vengeance, pourtant si forts, si furieux, s’étaient trouvés amoindris ; comment dans son affreuse geôle, il avait supporté les souffrances de sa jambe rompue en pensant à elle, à tout ce qu’ils feraient une fois unis pour la vie. Il voulait non seulement l’étreindre et l’aimer de tout son corps, mais susciter tous ses plaisirs, toutes ses joies ; prendre en charge ses petits tourments – puisqu’elle n’en subirait aucun grand –, exaucer ses envies, joindre ses rires aux siens et aussi souvent que cela se pourrait, ses lèvres aux siennes. Oui, des jours de plomb et des nuits angoissées l’avaient séparé d’elle… Comment, maintenant, pouvait-elle reposer si bien après cette poussée d’ardeur et de crainte ? Quelles images avaient traversé son cerveau et quelles autres l’avaient apaisé ? Leur pâle accouplement ne pouvait justifier cette paix, cet ample reflux d’une rancune elle, injustifiée.
    « Je l’aime. »
    Était-ce une évidence ou voulait-il s’en convaincre ? Quand il l’avait tirée des griffes de Lerga, il avait mis en branle dans tout son être et son esprit des mouvements et des pulsations, des vouloirs et des engagements dont rien n’avait plus amoindri la violence. Il avait jouté devant elle, mais sa présence, pour si chère qu’elle fut, avait-elle vraiment eu quelque importance tout au long de ses appertises [168]  ? N’avait-il pas tenu à être le meilleur parce que l’orgueil était dans sa nature, parce qu’il voulait dominer certains jouteurs et même occire des malfaisants, sachant qu’il disposait d’une énergie, d’une habileté, d’une fureur que ses muscles ne pouvaient trahir ? En vérité, jamais il n’aurait dû

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