Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
des larmes roulèrent sur ses joues.
    — Oh ! messires… Messires ! Je n’avais jamais rien vu d’aussi beau !
    Il y avait là deux ou trois aunes de cendal vert tendre, autant de couvrechef si laiteux qu’il semblait avoir été ravi à un nuage, de l’yraigne rose, du mollequin grenat, du satanin d’azur et deux rouleaux de cannetille. Tout cela scintillait [174] .
    Blandine se pencha ; les étoffes ruisselèrent dans ses mains et il semblait qu’elle eût été moins aveuglée en regardant le soleil. Cédant tout à coup à la joie, elle baisa Ybert et Bernier sur les joues, à cinq ou six reprises, ébaudissant ainsi leurs servantes, et son plaisir s’accrut quand elle vit la jument et sa sambue de cuir incrusté d’argent.
    — Pour moi ?
    — Hé oui, dit Ybert dont les yeux de connaisseur montèrent des cuisses invisibles au visage empourpré de Blandine. La liberté dont nous jouissons à nouveau valait bien tout ceci !
    — J’ajoute, dit Bernier, que nous avons récompensé les soudoyers de votre époux.
    — C’est vrai, messire, murmura dans l’oreille d’Ogier Tinchebraye. Nous avons reçu moult écus… Mais dites-vous que c’est peu, sans doute, comparé à la rançon qu’exigeait Droon de la Croixille… Ils vont jouir à en crever !
    — Vous avez fait des folies ! reprocha Ogier aux deux frères. C’est à moi de vous dire ma gratitude…
    Ils protestèrent que c’était peu tandis que Guinarde et Yvonne pliaient les tissus précieux sous les regards humides de Blandine. La jument sabotait, comme prise d’impatience. C’était une belle bête noire, sans un poil blanc ou gris : la réplique de Roxelane et son contraire. Où était-elle maintenant ? Avec Tancrède ?
    Tancrède encore, et cela malgré lui !
    Il s’avança vers cette haquenée qui le considérait sans intention mauvaise. Ses narines, aussi douces que les étoffes offertes à Blandine, palpitèrent sous la caresse, et ses paupières aux cils légers battirent. Une belle compagne, capable à la fois de galoper longuement à la chasse et de se tenir quiète au cours d’une cérémonie, quelque bruyante et animée qu’elle fut.
    — Elle s’appelle Hautemise comme l’épée de Turpin [175] , révéla Ybert en bâillant.
    — Bien, dit Ogier dont la dextre glissa sur les longs crins noirs. Tu es belle, sais-tu, et me plais grandement.
    — Tu lui parles comme à une femme !
    Était-ce un reproche ? Blandine riait. De lui ? Des présents qu’elle avait reçus ? De la paix qui s’était établie entre eux, qu’elle croyait forte et qu’il savait fragile pour peu qu’elle rechignât tout comme ce matin à leur prochain éveil ?
    — Je suis comblée.
    « Du dehors », songea-t-il hargneux. Cependant, cette joie, cet émoi étaient si plaisants à voir qu’il s’attendrit. Accoutumée à une vie contrainte et maussade – à l’image du chevalier Berland et de sa compagne – où les robes, parures et plaisirs avaient dû lui manquer, elle pouvait éprouver cet enchantement. Et si plus tard elle était fière de se rendre à quelque joute sur Hautemise parée pour la circonstance, elle pourrait s’enorgueillir de porter ces étoffes devenues des robes assorties à sa beauté. Si elle s’abandonnait trop au plaisir d’être belle, les femmes et les pucelles l’envieraient tout en la détestant. Des flammes brilleraient dans les yeux des hommes de tout âge et toute condition, et lui, Argouges, ne pourrait lui en tenir rigueur, même si quelques envieux, pour tenter de l’abaisser dans l’estime de Blandine, ou dans l’espérance de l’occire afin de prendre sa place, venaient lui chercher querelle…
    Son amertume disparut quand, après avoir hissé son épouse sur la jument, il constata qu’elle se tenait fermement en selle. Elle fit aller Hautemise au pas, puis au trot : elle montait excellemment. La haquenée sans doute était douce et docile, mais Blandine savait la mener d’une main ferme.
    — Tout est parfait, dit-il. Il faut partir.
    — Vous allez bien manger un morceau et avaler une bonne soupe ! s’écria Yvonne. Je me suis tôt levée : tout est prêt…
    Comment refuser ?
    Les présents, le repas que les hommes, surtout, apprécièrent, les congratulations prirent du temps. Bazire et Gardic s’en étaient allés attacher le bouge empli d’étoffes au bât de Tencendur quand, au château, une cloche sonna longuement.
    — Tierce au moins, messire

Weitere Kostenlose Bücher