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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Ogier, dit Tinchebraye.
    On se leva et d’un revers de main, on s’essuya la bouche pour les derniers baisers, soudoyers y compris. Et l’on quitta Fougères, les hommes d’armes en enviant toutes les bonnes chances des Birot, Blandine en surveillant Tencendur dont Delaunay tenait la longe, Ogier en regardant, alternativement, la croupe de Hautemise et celle de son épouse.

XII
    Le soleil vif donnait à la matinée l’apparence d’un jour d’été. L’air tiède rosissait les joues de Blandine aussi à l’aise sur sa sambue qu’Ogier l’était sur sa selle. Il ne put que l’admirer une fois encore, et songer qu’il n’avait jamais vu Tancrède monter si noblement Roxelane.
    Cette constatation l’emplit d’un plaisir qui pouvait être l’expression d’une fierté inavouée. Il s’aperçut que le pas de Marchegai répondait à celui de Hautemise mais conserva cette observation pour lui. Blandine souriait au ciel et sans doute, quand elle abaissait son regard, aux robes dont elle s’imaginait bientôt parée. Le vent léger hurlupait sa chevelure que parfois sa main légère aplatissait. On était bien. Les arbres et les fourrés sans profondeur fournissaient à tous une sérénité qui les guérissait des émois de l’avant-veille. Les feuilles tombées roulaient devant eux, humides et brillantes comme des copeaux d’or ; les torches des peupliers bruissaient, et sous les voûtes obscures des petites forêts, les oiseaux semblaient préparer une fête.
    — Nous ne serons pas ce soir chez vous, dit Tinchebraye.
    — Qu’importe !… Ces Birot étaient courtois, généreux… N’est-ce pas ton avis ?
    Blandine inclina la tête de côté, tout en flattant le col de Hautemise.
    — Je ne croyais pas que tu montais si bien.
    — Tu me connais bien mal encore.
    Ogier en convint silencieusement, et bien qu’amoindri par le glissement du temps, son dépit du petit matin le réintégra cependant qu’il laissait aller Marchegai dont le pas dansant révélait le plaisir de goûter à un air enfin pur. Tout près, sous les cannelures de la robe seyante, mais d’étoffe rude, la cheville de Blandine remuait de temps en temps ; il devina que son épouse se chantait quelque lai ou carole tandis que ses doigts caressaient toujours Hautemise. Cette gaieté secrète le courrouça. Elle confirmait une évidence : elle avait oublié son refus.
    —  Tu te chantes à toi-même, dit-il d’une voix qu’il savait enrouée par une sorte d’humilité feinte… Chante pour nous tous si le cœur t’en dit !
    Il pensait qu’elle se ferait prier, or, il n’en fut rien – peut-être parce que Joubert s’écriait : « Oh ! oui, dame. » – Sa ballade s’éleva, aussi claire que la lumière :
     
    Chanson, va-t-en tout à loisir
    Au puits d’Arras te faire ouïr
    À ceux qui savent chants fournir.
    Là seront les bons entendeurs
    Qui jugeront bien les meilleurs [176] …
     
    Elle montait aisément à cheval et savait sublimer un chant aux mots douceâtres ; elle serait habillée de robes magnifiques, et donc digne de lui, Ogier. Fallait-il qu’il se plaignît encore à lui-même d’avoir dû ce matin renoncer à l’étreindre ?
    Baissant le front, il tenta d’échapper à sa confusion. Que Blandine ne ressemblât pas tout à fait à celle qu’il avait imaginée, soit… ou plutôt : tant pis. Il devait s’accommoder de la vraie ; la pétrir et modeler comme une argile humide. En ce moment, son beau visage reflétait le contentement et sa voix suave charmait les hommes d’armes. Elle se tourna et cligna de l’œil sans que le soleil en fut cause. Elle savait qu’elle l’ébahissait, et l’étonnement de cet époux maussade ajoutait à son plaisir.
    Le jour bleuissait quand Avranches, au loin, leur montra les dents de ses tours au-dessus de la barbe rousse de sa haute et large motte. Il fallait renoncer à cheminer davantage, et d’ailleurs, peu accoutumée à de longues chevauchées, Hautemise, sensible aux petits coups de talon sur son flanc, suspendait parfois sa marche.
    Il restait quelques chambres au Gantelet d’argent, près de l’église Saint-Saturnin ; on décida d’y hôteler.
    — Il est vrai, dit Blandine, que tes soudoyers ont de quoi payer leur écot.
    Ogier ne releva pas cette observation. Que ses hommes s’offrissent un bon lit et un bon repas, quoi de plus naturel ? Laissant son épouse suivre une chambrière, il les aida à l’écurie : il fallait

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