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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Ensuite, enlacés, ils se regarderaient. Elle aurait des yeux couleur de verglas dans l’ombre qui paraîtrait plus pesante et plus fraîche ; elle lui dirait : « M’aimes-tu ? » Question inutile après leur râle et le tocsin de leurs cœurs.
    Elle ouvrit et poussa la porte, et comme elle allait clore les contrevents, il imagina ses jambes ; les genoux si doux touchant la cloche de la robe ; l’intérieur des cuisses si pâle, si laiteux…
    Il s’assit sur le lit et quitta ses heuses ; puis il alla glisser le verrou dans sa gâche, huma l’air qui sentait la cire et n’osa dire un mot de peur de rompre quelque chose dont il ignorait le nom. Elle dit :
    — Fait-il aussi froid que cela à Gratot ?
    Les douves entretenaient autour du château une fraîcheur constante ; leurs vapeurs sentaient la vase et le soir amplifiait ces inconvénients. Mais c’était grâce à ce large collier d’eau que Gratot avait résisté aux mercenaires de Blainville…
    — Nous sommes en automne… Il doit faire froid aux quatre coins du royaume…
    La chandelle brûlait quand ils étaient entrés. Blandine en passa si près que la flamme affolée menaça de s’éteindre. Oui, ce serait délicieux qu’ils s’aimassent là, dans cet or ou ce cuivre léger qui donnait à toute chose : meuble, poutre, drap, miroir, une valeur sinon une vie vacillante. Il affirma :
    — Tu te plairas là-bas… Oh ! certes, la besogne ne manque pas : les murs et les logis ont souffert comme je te l’ai dit, mais c’était le plus beau châtelet du Cotentin… Moins neuf que Pirou, moins hautain que Saint-Sauveur d’où Godefroy d’Harcourt s’est enfui ; moins épais et plus accueillant que Bricquebec… Tu donneras ton avis aux hommes chargés des travaux…
    Elle l’écoutait ; elle enleva sa robe. Il la vit fouiller dans le sac qu’elle avait empli, avant de fuir Poitiers. C’était vrai qu’il voulait qu’elle fût heureuse. Il souhaitait qu’elle eût en lui une confiance à toute épreuve. « Noces de fer et confiance d’airain », songea-t-il tout en ôtant ses chausses, sa chemise et ses braies. « Sa famille en a fait une inquiète, mais je la guérirai ! » Il lui en avait dit beaucoup plus sur son existence qu’elle ne lui en avait raconté sur la sienne. Après tout, s’il n’était pas dans sa nature de se confesser, il ne pouvait lui en faire reproche !
    Il se dit qu’ils venaient d’échanger des mots plats, et frissonna, assis au pied du lit, trouvant que la nuit toute mouillée de mer en avait accepté la froidure.
    — Couche-toi et ferme les yeux, dit Blandine.
    — Mais…
    Il allait objecter qu’il la connaissait ; quelque chose l’en retint : le ton presque suppliant de son épouse. Il y avait de la honte, semblait-il, dans ses propos ; comme si son corps n’était plus ce qu’il était la nuit précédente et que tous les ornements de sa chair, soudain, lui procuraient de la déplaisance, voire de l’aversion.
    — Soit, dit-il en se couchant dans les draps et en abaissant ses paupières.
    Elle passa plus de temps que de coutume à sa toilette. Il respectait sa volonté bien qu’il en fut courroucé. Chaque soir, lui réservait-elle quelque nouveauté d’une espèce inattendue ? Quelle autre concession devrait-il lui accorder demain, à Gratot ?
    L’hôtellerie demeurait animée. Il entendait des pas dans la cour – sabots et semelles –, des voix : le maître queux parlait à quelqu’un d’une viande à cuire et de volailles à embrocher ; on traînait aussi des bassines ou des seaux et un chien gémissait quelque part.
    « Je vais aussi revoir Saladin !… Il m’a bien manqué… »
    Ogier soupira et sourit, éprouvant tout à coup une impression de force, de plénitude et de bonté sans pour autant se sentir revigoré. L’eau gouttait, gouttait ; il entendait sur la chair nue, douce, le frottement de la touaille. « Je la frotterais bien plutôt que ce soit elle… » Bruits doux, et cependant légèrement lugubres… Et ce froid qui semblait traverser les flassarses [181] . Dire : « Viens te coucher, nous nous réchaufferons… » Or, Blandine ne semblait guère y tenir… Demain, Gratot : les cris, les baisers, les questions qui s’emmêlent. Pourquoi nier qu’il avait peur de tout cela ?
    — Ouf… dit Blandine.
    Il ouvrit les paupières et la vit en chemise. Une chemise inconnue, légère. Dessous, elle portait quelque chose :

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