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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Et il ajouta : Pas vrai, messire Ogier ?
    C’était bon, mais comme maintes personnes ayant vécu loin de la mer, il se pouvait que Blandine fît la grimace. Il lui jeta un regard bref – un regard vide. À Quettreville, elle s’était plainte du froid. Il l’avait aidée à passer sa chaucemante. Dans ce vêtement conçu pour se garantir des rigueurs du vent et de la pluie, elle ne perdait rien de sa beauté, mais elle paraissait plus humble… Dessous, ce corps qu’il n’oserait toucher quelques jours de crainte d’être rabroué… Quand cette chose serait passée, il s’en emparerait comme un affamé…
    Marchegai levait la tête et respirait à pleins naseaux l’air vif et mouillé. Il savait que la chevauchée allait prendre fin. Ce soir, il retrouverait sa parclose à l’écurie, et Saladin le visiterait, aboyant peut-être pour lui montrer qu’il lui tenait rigueur de sa longue absence.
    — Est-ce loin encore ?
    — Une demi-lieue, Blandine…
    Elle allait pour la première fois de sa vie se sentir chaudement en famille. Mais pourquoi lui avait-il répondu si vivement alors qu’il baignait dans une nonchalance triste ? Pourquoi craignait-il de plus en plus qu’elle fut moins choyée qu’il le souhaitait ?
    Le chemin s’égara dans un champ et Ogier se sentit entouré de ses hommes. Entouré, aussi, d’amitié. Les uns regardaient le ciel, les autres les prés voisins parsemés de bosquets de hêtres et d’ormeaux. Comme s’il tentait d’apercevoir la mer au-delà des verdures, Tinchebraye se dressa sur ses étriers. En fait, ayant marché toute son existence, il souffrait de ses journées de selle. Dans une pâture close de frênes et de fougères, une jument allaitait son poulain… La paix ! Ici, les Goddons ne viendraient plus jamais ; ici, l’on pouvait bâtir une famille…
    Luttant contre l’émoi qui lui nouait la gorge, Ogier se tourna vers Blandine et se retint de lui parler car enfin, elle voyait les champs et les arbres peu ou prou défeuillés dont les ramures, aux feux de la vesprée, emmêlaient leur sinople, leur or et leur pourpre. Les nuages, moins nombreux semblait-il, fuyaient toujours vers le Ponant et ses mystères. « C’est de bel augure qu’il ne pleuve pas ! » Pourquoi donc cherchait-il des présages et songeait-il à la pluie comme à une adversaire ? Qu’avait-il à s’émouvoir ainsi ?… Allons, bon, il eût dû se parler droitement : bien loin de s’émouvoir, il s’inquiétait.
    Ils entrèrent un par un dans le bois du Bellais, à la suite de Joubert, bannière et têtes basses. Des bêtes se coulèrent sous les buissons et les oiseaux se turent. Hautemise glissa sur la mousse grasse qui, un moment, tapissait le sentier. D’un mouvement sec, Blandine lui donna appui sur le mors et la remit aisément dans la voie. Bonne cavalière. Godefroy d’Argouges en serait ébaubi !
    Le bois se clairsema. Entre les troncs, on pouvait apercevoir les premières mottes de la lande où Blainville avait eu son châtelet. « Demain, je demanderai à Blandine de choisir entre la mer et Coutances… » Demain, c’était tout proche. Le soleil tombait, si peu rouge pour une fois qu’il amatissait tout. La clarté devenait verdâtre et les bosquets enténébrés semblaient les membres d’un géant occis, dispersés aux quatre vents. Les odeurs prenaient davantage leurs aises, collant aux narines et même à la bouche – que serait-ce quand il faudrait traverser les douves envasées ! – et les ruisseaux çà et là presque immobiles prenaient l’aspect vitreux de grandes lames abandonnées.
    — Je le vois ! s’écria Joubert.
    « Pourvu qu’il soit en meilleur état que lors de notre départ ! »
    Le pennoncier pressa les flancs de son cheval ; Ogier en fit autant ; Blandine le suivit au petit trot de Hautemise.
    Rien n’avait changé aux abords du château : la maison des Anquetil, ruinée, était toujours la proie des lierres et des arbrisseaux. Les hêtres immenses dont le double rang précédait la jetée versaient toujours sur le sol grenu leur fraîcheur lourde, et les ramures des deux derniers, débordantes, posaient sur l’eau morte de la douve un crêpe noir, ciselé, perforé de roseaux hérissés de massettes brunes. Au-dessus du logis seigneurial, une fumée voletait.
    Avec ses hauts murs, ses tours, son étang lové autour de lui, à peine écaillé par le vent, Gratot exprimait la vigueur et la sérénité. Ogier

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