Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
vit que le pont-levis avait été dépouillé de ses flèches et qu’il était à demi remonté.
    — Nous y voilà, dit-il à Blandine.
    Elle regardait – elle examinait plutôt. Il perçut la tension de son esprit et de son corps. Quelles pensées s’éveillaient en elle ? Ni dédaigneuse ni enchantée sans doute. Façades sombres. Double porte derrière le tablier de chêne. D’où elle se tenait, voyait-elle le pied de la tour de la Fée ? Sous la course échevelée des nuages, les toits des écuries et des granges semblaient un peu trop noirs peut-être, mais ce qu’elle apercevait du logis seigneurial n’en paraissait que plus blanc.
    Le pont s’abaissa. Un homme s’avança dont la voix chantante rassura Ogier : Marcaillou ! Un gars du soleil qui semblait bien se plaire en Normandie :
    — Je vous ai vu venir de loin… J’ai reconnu, messire, votre bannière… J’ai prévenu, bien sûr.
    Il s’inclina :
    — Dame, veuillez entrer… Je vous souhaite céans mille choses bonnes…
    Blandine, d’un petit coup de talon, poussa Hautemise vers la porte charretière. Courbé sur l’encolure de Marchegai, Ogier s’engagea sous l’arche de la porte piétonne afin d’atteindre la cour en même temps que son épouse.
    Ils étaient tous présents, ou peu s’en fallait : famille, serviteurs, soudoyers. Blandine les considéra d’un œil aimable puis regarda les tours, les murs de granit, les toits dont quelques-uns ruinés par le malheur et les sicaires de Blainville n’avaient subi aucune réfection. C’était pesant, certes, Gratot, surtout vu de l’intérieur, mais ç’avait résisté aux assauts de la pire engeance !
    Ogier mit pied à terre et s’approcha de Hautemise. D’un bond, au risque de déchirer sa robe, Blandine descendit de la haquenée sans qu’il ait eu le temps de lui tendre les bras. Il rit, et tourné vers son père immobile entre Aude et Thierry qui le soutenaient un peu :
    — Vous voyez ? Elle est bonne chevaleresse.
    Le vieillard semblait confondu. Une bru lui tombait du ciel – ou de jument –, et elle était belle, très belle. Peut-être concevait-il, lui aussi, combien du fait de cette présence nouvelle, ce château vieux, sombre, et qui avait tant souffert de la malignité des hommes et des intempéries pouvait paraître obscur ici, blafard là, en un mot : inhospitalier. Il ne s’était jamais montré verbeux, Godefroy d’Argouges. Ce soir, il semblait avoir perdu jusqu’à la faculté du langage. Encore heureux qu’il fût vêtu décemment et non plus des lambeaux d’autrefois !
    — Ma fille, dit-il, soyez la très bienvenue.
    Que dire d’autre, en effet ? Quelques clartés révélaient sa faiblesse, et Blandine en avait trop appris sur lui : elle marcha au-devant du vieillard, fit une génuflexion et, se relevant, lui tendit la joue :
    — Mon père, je suis bien aise d’être arrivée jusqu’à vous. Mon désir était grand de vous connaître.
    Quelque chose se rompit : le silence. Le moindre bruit, la moindre voix, le moindre cri joyeux furent doux aux oreilles d’Ogier. Ouf ! Il respirait enfin comme à l’ordinaire. Aude embrassait Blandine. Thierry lui assenait, à lui – il le pouvait –, de grandes claques sur l’épaule en disant : « Faudra que tu me racontes ça ! » Puis il baisait Blandine au front. Les servantes, les soudoyers, les serviteurs bavardaient amplement, certains en lançant parfois des regards sur la « dame » et en lui souriant très fort.
    — Je te raconterai, Thierry. Rien ne m’a été facile…
    Ogier s’apercevait qu’il était glacé. La sueur du soulagement. La funeste impression qui l’avait assailli s’était dissoute dans ce grand émoi des gens. « Après tout, elle sait que le château a souffert comme ont souffert presque tous ceux qui l’entourent et la congratulent. » Il entendit alors un aboiement et Saladin lui bondit dessus, pattes hautes, langue pendante, tellement heureux qu’il en bavait.
    — Te voilà enfin ! Tu ne m’en veux pas trop ?
    Où était Blandine ?… Avec son père. Avec Aude…
    Confabulations et sourires. Plus d’angoisse. Son épouse ne devait pas trouver Gratot pire que dans ses descriptions dépourvues d’enluminures. Elle riait. Elle était accueillie en fille. Combien c’était réconfortant !
    Il s’approcha :
    — Es-tu à l’aise ?
    Il avait eu envie d’ajouter : « chez nous » et s’était découvert, soudain,

Weitere Kostenlose Bücher