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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ses reliefs doux et drus le laissaient entrevoir.
    Il ne dit mot ; elle se coucha et se serra contre lui, mais quand il avança la dextre, elle la lui prit et la serra très fort :
    — Non… pas avant cinq ou six jours…
    La main d’Ogier tâtonna, trouva le braiel de tissu si pareil à cette ceinture de chasteté qu’il avait vue un jour chez un forgeron de Périgueux sans pouvoir apprendre à quelle grande dame elle était destinée.
    — Tu vois, j’ai mes empêchements.
    Elle se serra plus fort contre lui, trouva ses lèvres et les baisa longtemps, frottant son corps à ce corps d’homme dur, prêt à l’amour et qui devait y renoncer.
    Ogier ne disait mot. À quoi bon. Elle avait enchevêtré ses jambes aux siennes ; elle soupirait et frissonnait parfois, puis elle ne bougea plus, assommée de fatigue.
    « Elle était vraiment lasse. »
    Cette constatation lui faisait plaisir sans qu’il osât savoir pourquoi. Ce soir, en tout cas, elle n’avait pas pensé à Tancrède… Voire… Il n’en savait rien… Il avait vécu des mois sans y songer, alors qu’Adelis et Anne restaient en son esprit sans qu’il eût le sentiment d’une tromperie envers Blandine. Tancrède, non. Ou si peu. Où qu’elle fût, il souhaitait son bonheur, qu’elle le trouvât dans un amour pur ou impur, voire même dans la guerre. S’il en avait été deux semaines malade – pas davantage, en vérité ! – il en était guéri. Il saurait bien, chez Blandine, abolir cette inquiétude…

XIII
    Petits et clairs, portés par un vent turbulent, des nuages moutonnaient l’azur où des mouettes entrecroisaient leurs vols avant d’enneiger de leurs mouvantes compagnies des sillons fraîchement creusés. Les ombres des bosquets dépouillés, étirées par le couchant, jetaient sur la campagne une espèce de deuil ou de maussaderie.
    Tout semblait terne, ce soir, même les hautes herbes des pâtures si luisantes d’ordinaire aux ultimes flamboiements du soleil ; si mouvantes et argentées qu’elles semblaient des chenaux apportant à Coutances l’eau de la mer toute proche.
    — Je reconnais le chemin, dit Tinchebraye.
    Ogier se retourna pour voir une fois encore les murailles, les tours, les flèches toujours inachevées de la cathédrale, puis à Blandine :
    — Si tu le veux, demain nous reviendrons… Cette cité vaut bien Poitiers, tu verras !
    Elle eut un mouvement du cou, un sourire, et parut ne s’occuper que de ses mains serrées sur les rênes, bien que sa jument, Hautemise, se fut révélée, au cours des lieues, d’une docilité sans égale. Roxelane elle-même regimbait parfois…
    — Oui, tu verras, répéta Ogier.
    Il ignorait, en fait, si Coutances valait Poitiers. Il s’évertuait même à ne pas trop observer son épouse, craignant de découvrir dans ses yeux ou le mince pli de sa bouche quelque signe de déception ou, comme au petit matin, les indices, mouvements et gémissements de douleurs cataméniales qui l’avaient apitoyé jusqu’à ce qu’il eût soupçonné, en raison de leur fréquence, une exagération destinée à lui interdire toute approche et jusqu’au moindre geste d’affection.
    Joubert les précédait, bannière déployée. Les lions d’or frémissaient fièrement, fouettant de leurs queues sinueuses, le velours azuré déroulé depuis peu.
    — Nous sommes beaux, dit-il. Aussi beaux que le jour de notre première venue…
    — Hé ! s’écria Delaunay. Tu oublies notre dame…
    — Moi, fit Blandine, je me sens laide. Ce qu’il me faut, c’est un bon bain chaud.
    Elle s’interrompit brusquement. Avait-elle peur d’exprimer d’autres désirs ? Pourquoi ne regardait-elle pas les arbres, les prés, les ruisselets ? Pourquoi plus que jamais semblait-elle vouloir vivre en elle-même ?
    — Nous sommes beaux ! Très beaux ! enchérit Lehubie. Surtout vous, notre dame.
    Il avait gagné au jeu le haubergeon de l’archer du sire de la Croixille et une des arbalètes qu’il avait offerte à Gardic : il préférait son arc, un long bow gallois pris sur la butte de Crécy, avant sa fuite.
    — Je suis moult heureux de retrouver Gratot, dit Delaunay. Je galoperai demain jusqu’à la mer et m’y enfoncerai jusqu’aux genoux, puis j’irai à Agon. Il y aura bien là un pêcheur qui me vendra des coquilles : palourdes, moules, huîtres !… Aimez-vous cela, dame Blandine ?
    Elle n’en avait jamais mangé.
    — Vous verrez si c’est bon, dit Joubert.

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