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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pusillanime. Sans se forcer, Blandine lui rendit son sourire :
    — Sois quiet… Je suis bien…
    Avec émoi, gratitude même – aussi singulier que cela lui parût –, il la retrouvait parfaitement telle qu’il l’avait aimée au premier coup d’œil. Il baissa son regard pour présenter son chien, mais Saladin s’était escampé.
    — Venez, Blandine, dit Aude familièrement.
    Il parut à Ogier que le ventre de sa sœur s’arrondissait un peu. Elle avait tellement connu les privations, en cinq ans de malheur et de désespérance, qu’elle forçait sans doute sur la nourriture ; à moins qu’elle ne portât le premier héritier qu’il souhaitait à leur père. En tout cas, elle avait pris Blandine par le coude et la menait vers le perron, prenant soin d’éviter les tombes de Luciane d’Argouges et de Gerbold, l’ermite martyr. Le vent semblait doux et l’odeur des eaux envasées moins lourde. Entourée d’affection et d’admiration, Blandine devait se sentir comblée.
    Des flambeaux et des chandelles furent allumés aux quatre coins du tinel où rutilait un grand feu. Dépouillée de sa chaucemante, installée presque de force dans la chaire de Luciane d’Argouges, Blandine fut invitée à choisir entre du vin, du grenache, de l’hydromel ou du cidre.
    — Je vois, dit Ogier, tenant son père par l’épaule, que c’est désormais l’abondance.
    — Oh ! non, dit le vieillard, mais cela va mieux. Tes Bretons et mes hommes remettent nos terres en valeur… Les femmes font tout ce qu’elles peuvent pour que nos murs aient un aspect plus jeune… L’ouvrage ne manque pas.
    Il souriait, mais au tréfonds de son corps et de sa mémoire subsistaient quelques vieilles douleurs.
    — Nous mangerons bientôt… Vois !
    Un mouton ruisselait de graisse sur la broche. Après tant d’odeurs pénibles, ce fumet de viande chaude emplit agréablement les narines d’Ogier. Gratot enfin ! Saladin réapparu, aussi aimant, aussi vif, et qui, la langue pendante, hésitait à flairer la robe et les pieds de Blandine.
    Elle buvait doucement. Or fin de ses longues tresses ; or soyeux, pétillant du cidre dans le gobelet d’étain qu’Aude emplissait derechef tandis que Thierry, le visage impassible, observait cette nouvelle parente en se demandant sans doute si elle s’accoutumerait à ces murs, à cette famille, « et si moi, Ogier, je serai content auprès d’elle ». Et contenté… Oui, il le serait. Tout commençait bien. Après les murs si froids de l’hôtel Berland, ceux de cette salle exhalaient du réconfort : soigneusement chaulés, peints en blanc avec des rechampis d’or et d’azur qui semblaient, dans les coins de pénombre, une tiède végétation venue de l’extérieur. Le feu donnait aux armes en sautoir des brillances telles qu’on eût pu les croire neuves, et la tapisserie qui célébrait la geste de Raimondin et Mélusine s’en trouvait rajeunie. Le bien-être était partout, et comme tous, ici, devaient apprécier ces hautes flammes rouges, hérissées d’or, ivres de vent ! Plus besoin, pour avoir chaud, de démolir les planchers et les charpentes. Les forêts et les friches voisines pourvoyaient chaque jour à la voracité de ce grand âtre sur lequel Bertine se penchait pour tourner le mouton.
    « Que pense-t-elle de mon épouse ? Me le dira-t-elle franchement ? »
    Et les autres – Madeleine, Isaure, Jeannette, Guillemette, Bertrande – toutes là, toutes attentives…
    — … et vous avez pu tout de même sortir de Poitiers ?
    Aude s’animait ; Blandine posa sa dextre sur celle d’Ogier, appuyé sur l’accoudoir de son siège :
    — Grâce à lui et à ses hommes : Tinchebraye et Joubert, surtout…
    Elle ne les oubliait pas. Et elle s’animait, paraissait très heureuse, complètement engagée dans le bonheur comme elle s’était engagée, tête en avant, sous le porche charretier. Il semblait qu’elle désirât être aimée de tous, être comprise de tous. Avec plaisir, Ogier voyait les petites mains s’animer, oiselles de chair pâle, vives comme des colombes d’âge prime. Et plus encore que les paroles de son épouse, il trouvait en ces gestes-là, prompts et nullement affectés, des certitudes que tout irait bien. Tout. Car ces mains pour le moins possessives lui avaient laissé un souvenir qu’il commençait à trouver doux.
    « Cette nuit-là, son sang la tourmentait ! »
    Assis face à sa bru dans sa haute chaire, Godefroy

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