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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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quittée pour aller à Chauvigny, puis pour venir me prendre à Poitiers…
    Il détesta le verbe prendre mais admit qu’elle avait raison. Refusant de continuer cet entretien, il demanda :
    — Crois-tu que céans tu seras heureuse ?
    La gonne tournoya, vert clair, propre : une robe « poitevine », simple mais seyante.
    — Comment pourrais-je te répondre ? Cela dépend de toi… des autres…
    — Et de toi, Blandine… de toi surtout !
    La gorge dure et le cœur battant fort, Ogier regarda, dans un angle, le grand baquet aux bois ruisselants dont le contenu, touché par les reflets des petites flammes dansantes, brillait comme un cuivre liquide. Il vit aussi les flaques sur les dalles et les deux touailles sur lesquelles les pieds de sa femme s’étaient posés. Une eût largement suffi. Les meschines de Gratot s’empresseraient-elles à son service ? Il se pouvait – c’était son droit – qu’elle désirât une chambrière… Qui choisir ? Surtout pas Bertine ! Encore moins Guillemette… Qui ?… Et s’il lui prenait l’envie d’engager une pucelle de Coutances ? Il fut tenté d’insister : «  De toi surtout, Blandine  », mais rejetant tout d’un mouvement des bras, elle s’ébaudit en s’avançant vers la porte :
    — Oh ! de moi…
    Il s’aperçut qu’elle était prête. Elle allait donc laisser ses longs cheveux épars, et vraiment, il n’y avait qu’elle pour éloigner, d’un souple mouvement de la main et du cou, les mèches inconvenantes. Elle avait mis des sandales légères ; il faudrait en acquérir d’autres, solides et couvrant bien : avec les pluies d’automne et d’hiver, la cour allait devenir boueuse. Il faudrait même la pourvoir en sabots.
    — Irons-nous souvent à Coutances ?
    — Chaque fois que tu le voudras.
    S’il n’y avait que cela pour la faire sourire !
    Tandis qu’elle passait devant lui, Ogier la poussa légèrement de la main sur le haut de la fesse, évoquant la plénitude attrayante, en dessous. Elle dit : « Oh ! toi… » mais sans mauvaiseté. Il alla même jusqu’à penser qu’elle en avait eu plaisir. Cinq jours !… Ils seraient peut-être aussi longs pour elle que pour lui.
     
    *
     
    Bien qu’il eût réuni la famille, la domesticité et les hommes d’armes, Ogier trouva le repas plutôt morne. On s’ébaudissait pourtant autour de la table, même quand les hommes écoutaient Joubert et Tinchebraye leur conter comment ils étaient entrés dans Poitiers, suants d’angoisse et maculés de sang. Près d’Aude, Blandine souriait, mangeait avec autant de recherche que lors du grand régal chez dame Alix d’Harcourt, et baissant la tête, parfois, semblait admirer pour son plaisir l’une et l’autre des rondeurs de sa poitrine.
    Assis entre son épouse et son père, Ogier lançait de temps en temps un coup d’œil à Thierry ou à Delaunay juste en face, entre Madeleine et Bertrande, et souvent aux Bretons qu’il avait retrouvés avec plaisir : Goasmat, Le Hanvic, Le Guevel et Mahé, ainsi qu’à ses Génois : Galeas et Sapienza. Entre deux bouchées, deux lampées, deux rires, tous ces hommes coulaient un regard sur Blandine, mais on eût dit qu’elle ne s’en doutait pas. Ni d’ailleurs Aude avec laquelle elle s’entretenait beaucoup – de robes, de tissus, de fleurs et braderies –, tandis que Godefroy d’Argouges dont l’appétit restait modeste, observait sa fille et sa bru, et se livrait sans doute à des comparaisons.
    « Eh bien, qu’il compare, estime ou déprécie ! Je ne me mettrai pas martel en tête ! »
    Morose, Ogier ranima quelques souvenirs, en particulier celui qu’il conservait, très vif, de son premier souper à son retour de Rechignac, après cinq ans d’absence. Certes, on avait énoncé maints événements pénibles, en pleurant ici ou là, mais ensuite, on s’était montré enjoué, les femmes surtout. Et leurs rires et gloussements charmaient ses oreilles. Ce soir, bien sûr, elles riaient aussi, mais d’une façon trop pointue, sans guère tourner leurs regards vers Blandine. « En notre absence, ils ont tous parlé d’elle… Les uns et les unes en bien ; d’autres en mal… J’aurais dû demeurer parmi eux. » L’idiot : ils eussent, simplement, différé leurs commentaires. Mieux valait que ce fût fait !
    Mais qu’allait-il chercher là ! C’était dans la nature humaine de dépriser certaines gens, sinon de les dénigrer. On pouvait y

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