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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ne vois guère dans la vie d’un ménage !… Les mêlées et les coups, la cruauté, souvent, de l’ennemi, ne m’étaient nullement contrainte : je jouais un jeu d’enfer, mais rien d’obscur n’envahissait ma conscience : je dormais bien, ne craignais ni de faire le mal ni de jurer ; nulle voix pleureuse, rèche ou onctueuse ne cherchait à fausser mes intentions ou mes actes. Je ne me sentais coupable ni de ceci ni de cela… Oui… Ah ! oui, j’étais moi-même.
    — Aurais-tu préféré que je revienne seul ?
    D’un pas très assuré, Godefroy d’Argouges descendit les degrés du perron et se dirigea vers les écuries. Ogier, aussitôt, fut à son côté :
    — Aurais-tu préféré que j’épouse une Normande ?… Oublies-tu…
    — Tu sais bien que je n’oublie rien… Une Normande ? À dix lieues à la ronde, aucune d’elles ne me paraît digne de toi, de nous !… Nos voisins nous ont traités comme des mécréants, comme si nous avions la morille [187] … Ah ! non, pas de Normande… bien que, voici plus de six ans, c’était mon vœu le plus obstiné.
    — T’engrignes-tu contre Blandine ?… Pourquoi ?… Dis-moi quelle déplaisance elle a bien pu te faire… Dis-moi pourquoi tu ne l’aimes pas !
    — C’est à toi de l’aimer.
    En tout cas, songea Ogier, nulle autre créature que Blandine n’aurait pu leur donner tant de franchise à parler d’eux-mêmes !
    — Je la crois très bonne, mon fils… Très affectionnée… Sensible… Plus attachée à toi que tu ne le penses… Or, c’est cela, le danger !
    Godefroy d’Argouges s’en alla d’un pas sûr et pesant, vers Marcaillou et Raymond, devenus inséparables, et qui sortaient des écuries. « Raymond, qu’en pense-t-il, lui ? » Mais fallait-il aussi requérir son avis ? Pourquoi pas celui de toute la mesnie ?
    Aude revenait, serrant Thierry de près sans que le froid du soir en fut la cause. Des épreuves différentes les avaient mûris, mais le passé n’était plus rien pour eux. Et pourtant ! Thierry avait connu la déchéance naturelle des hurons sans subir, cependant, la moindre marque sinon le moindre excès de mépris car il était nécessaire à la vie du seigneur : il savait œuvrer le fer, ferrer les chevaux et même, en bon taillandier, écrouir et amouler les armes. Aude avait connu le dédain, assorti du dénuement et de l’angoisse… Mêmes racines, mêmes élans vers le bonheur.
    — Elle prend son bain, mon frère. Elle a refusé que je l’aide.
    — Est-elle seule ?
    — Oui… Bertine voulait demeurer…
    Ce n’était pas une mauvaise chose que Bertine eût été éconduite ! Ogier sourit : la commère devait être déçue.
    — Comment la trouvez-vous ?
    Il s’adressait plus particulièrement à Aude. Thierry eut un sourire presque désincarné ; un peu plus de blanc éclaira ses yeux, ses lèvres :
    — Je la connais, Ogier, depuis votre rencontre. Tu sais bien ce que j’en pense.
    Il s’exprimait difficilement, mais cela se concevait : après tant de mois de sujétion, le tutoiement lui devenait parfois pénible. Ogier faillit dire : « Ce que tu en penses ?… Je n’en ai nulle souvenance. Répète. » Il ne l’osa mais avoua pour en finir :
    — Vous formez un bien beau couple.
    — Avec Blandine, celui que vous formez…
    — Oui, oui, ma sœur, encense-nous !… Frère Isambert l’a fait si promptement…
    On allait et venait autour d’eux sans leur prêter la moindre attention. Ici et là, un rire éclaboussait la nuit, un feu dansant y ajoutait ses ors, fleurissant un pan de mur ou le bois ténébreux d’une porte. Un hennissement retentit ; il se pouvait que ce fût Hautemise, qui jamais, depuis Fougères, ne retrouvait sa litière et ses aises.
    « Demain, j’irai voir tous ces chevaux… »
    Ogier voulut demander des nouvelles d’Artus et s’aperçut qu’Aude lui parlait sans qu’il se souvînt de l’avoir invitée à lui fournir une réponse.
    — Elle est avenante… Sa beauté peut fournir des rimes aux trouvères… Et tu l’as choisie !
    Nul reproche dans sa voix, mais une espèce d’enjouement rehaussé d’un soupçon d’inquiétude. Se pouvait-il qu’Aude fut bienveillante à l’égard de Blandine alors que leur père était enclin à la durement juger ?
    — Elle m’a fait présent d’un coupon de cendal… Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau… Elle m’a dit comment elle l’avait obtenu… ainsi

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