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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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procéder aimablement, sans la moindre intention de salissure. À cette forme de médisance succédaient presque aussitôt de bonnes et longues paroles d’indulgence. Lui-même avait été parfois sans complaisance envers certains et certaines : l’épanchement du fiel pouvait être un plaisir sinon un réconfort.
    Il s’enfonçait dans l’ennui. Blandine dut s’en apercevoir, et lui tendant son gobelet pour qu’il l’emplît – d’eau seulement :
    — À quoi penses-tu, mon époux ?
    — Je regrette que Mère ne soit pas là, près de toi ou en face.
    Avec une acuité cruelle, inattendue, il ressentait cette absence. Luciane d’Argouges eût su accueillir Blandine et la mettre en confiance. Elle eût fait de cette inconnue sa fille avec patience, délicatesse, amour, car elle pouvait être froide, voire glacée dans un lit, elle n’en avait pas moins le cœur bien chaud !
    Et son oncle Guillaume ? Qu’eût-il dit après avoir vu et observé la jouvencelle ? Eût-il, lui aussi, désapprouvé ce mariage ? Pour quelles raisons ?
    Sans vouloir compléter ces questions par quelques autres auxquelles, d’ailleurs, il se fût interdit de fournir des réponses, Ogier s’aperçut, s’il en était besoin, que l’opinion du seigneur de Rechignac lui manquait plus encore en cette occurrence que dans les événements grands et petits qui composaient sa vie quotidienne. Bien qu’ils se fussent séparés courroucés l’un envers l’autre – à cause de Tancrède –, rien ne s’était affaibli d’une affection avunculaire [191] que Guillaume croyait sûrement abolie. Sans doute eût-il été heureux et fier d’apprendre que la cessation des compliments et des reproches dont il avait abreuvé son neveu pendant cinq ans laissait parfois celui-ci anxieux sur le bord d’une existence où il ne figurait plus qu’en pensée.
    « Je suis comme un oiseau qui hésite à voler. »
    Plutôt comme un oiseau sujet au vertige. Blandine, sinon leur union, le précipitait dans un abîme dont il s’était efforcé d’ignorer l’existence malgré les admonitions de Benoît Sirvin qui, lui aussi, avait souhaité qu’il fut heureux.
    Il s’aperçut qu’il déraisonnait : Blandine avait ses façons de vivre, de penser. Il l’avait aimée et épousée telle qu’elle était et non pas dans l’intention de la former selon ses vœux. Elle n’encourait aucun reproche…
    Là encore, c’était déraison de méditer ainsi : il savait quel manquement aux conventions du mariage avait provoqué ce mésaise incisif dont il paraissait seul souffrir. Bien heureux qu’elle eût ses monstres car il se fut humilié et indigné d’un nouveau refus si proche du premier au coucher de ce soir…
    Des gouttes roulaient dans son dos. Cette suée ranimait sur son cou et ses joues les feux pourtant morts du rasoir. Il se sentait observé. Les femmes qui s’étaient offertes à lui avant qu’il connût Blandine devaient se demander par quels émouvements ils finissaient par jouir l’un de l’autre. Et les imaginations des hommes devaient se rassembler sous cette robe dont Saladin s’apprêtait à flairer le pan lorsque, du bout du pied, on l’en avait empêché. Blandine se sentait-elle aussi et ainsi observée ? Sa chair dont il aimait le goût et la senteur était-elle moite d’émoi, de déception, de lassitude ? Aude multipliait les sourires envers cette belle-sœur qui semblait convenir à ses aspirations et Thierry se montrait aimable. Étaient-ils aussi francs, dans cette amitié neuve, qu’ils l’étaient en amour ?
    « Tu t’égares, Ogier ! Tu veux le bonheur avec elle et rumines déjà comme s’il t’échappait ! »
    Cessant d’épier Blandine, il considéra ces gens attablés, puis cette salle soigneusement restaurée par les hommes d’armes sous la surveillance et les recommandations d’Aude. Le feu éclairait les murs par secousses vives et les chandelles élevaient leurs clartés jusqu’aux poutres. Lancé dans des propos de guerre avec Joubert, Godefroy d’Argouges semblait avoir oublié ses anciens soucis d’homme pour ne parler qu’en chevalier, tout en quêtant l’approbation de Thierry dont il aimait la sagesse. Pour un noble tel que lui, déchu par un coquin et réhabilité par le roi, la vie jusqu’à son trépas redeviendrait simple, même si l’amertume des longues années d’opprobre le prendrait encore, parfois, à la gorge. Et, à y bien regarder, Blandine ne

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