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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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que sa haquenée… Rares sont les filles donneuses, Ogier… Et m’offrir cette merveille à moi qu’elle ne connaît pas…
    — Elle a bon cœur, dit Thierry.
    Oui, elle avait bon cœur. C’était lui, Ogier, troublé par son retour, qui déformait tout. Qu’importaient maintenant les propos de son père : il était aigri par moult épreuves – dont le mariage. Opprimé [188] par son échec, il refusait d’associer la beauté d’une femme à la réussite d’un couple ! Or, tout bien considéré, si Luciane d’Argouges s’était montrée froide et distante, il se pouvait qu’il en eût été responsable.
    — Qu’en pensent Bertine et les autres meschines ?
    — Trouves-tu que leur opinion ait quelque intérêt ?… Je crois qu’après tant d’années cruelles, elles ont trop à se soucier d’elles pour penser aux autres… Ne les as-tu pas bien regardées ?… Elles sont comblées, repues… de tout !
    Il fallait qu’Aude eût bien changé pour s’exprimer ainsi.
    — Allez-vous avoir un enfant ?
    Question rude, inattendue.
    — Pas encore, mon frère, mais on fait tout pour ça !
    Thierry riait, sans se douter que cette révélation pouvait passer pour obscène. Et Aude riait aussi. « Elle aime ça  !… Elle ne s’en cache pas !… Elle ne tient donc pas de notre mère ! » Ogier tapa impulsivement sur l’épaule de Champartel :
    — Tu me parais bien chanceux !
    Tandis qu’il s’éloignait vers le perron, il devina que ces deux-là le suivaient du regard, puis se concertaient sans rien oser dire.
     
    *
     
    Le verrou condamnait la porte. Ogier colla son oreille contre l’ais de chêne à bonne senteur de cire en se disant qu’il entendrait, de l’autre côté, un bruit de gouttes, un chant menu ou quelque «  la la la  », tout simplement, puisque Blandine égayait ainsi sa toilette.
    Le silence l’inquiéta. Il donna quelques coups du crochet de l’index.
    — Qui est là ?
    — C’est moi… Ouvre.
    — Attends… Je vais venir.
    Il serra les poings tout en s’interdisant de se laisser influencer par les propos qu’il avait entendus. De même que son épouse devait se familiariser avec Gratot et les coutumes de tous et de chacun, il devait s’intégrer à une autre existence et savoir, si les événements le lui imposaient, demeurer devant une porte close aussi longtemps qu’il le faudrait.
    La clenche fut levée. Couverte d’une serviette de lin ourlée de rouge, Blandine lui offrit l’image d’une femme à peine touchée de lassitude, débusquée, nue, dans le plus parfait état de sérénité. Ses seins ne se voyaient pas – « Même pour moi, elle les cache. » Ni ses cuisses. Drapés dans ses cheveux comme dans un linceul, ses joues, son cou, ses épaules avaient la blancheur du mur sur lequel, au clair des chandelles, tremblait son ombre élancée. Un moment – si bref qu’il crut avoir rêvé –, elle fit voler la serviette en tournant sur un talon.
    — Comment me trouves-tu ?
    Était-il opportun qu’elle usât de cette simagrée alors que le harnois qu’il venait d’entrevoir lui imposait l’abstinence ?
    — Tu es belle… Aude a été touchée que tu lui donnes ce coupon de cendal.
    La tête de Blandine disparut dans l’ouverture du doublet [189] qu’elle passait par le haut, laissant entrevoir, ainsi, le cilice d’étoffe rose qui la ceignait et le blanchet, qui la dissimulait toute.
    — Il faut bien que je m’en fasse une amie.
    Ogier trouva cette réponse niaise : ce qu’il avait pris pour une preuve de bonté se révélait une adroite manœuvre.
    — L’amitié est sans prix… Elle ne s’achète pas.
    Il s’était assis sur le bord du lit. Tandis que son épouse allait et venait, le frôlant parfois, il sentait vaguement son arôme, et ses lèvres, ses mains le démangeaient tant ce parfum de chair pouvait être attirant. Il observait à s’en brûler les yeux, l’entre-deux de sa gorge où perlait encore une goutte, les frisottements d’or des aisselles dont les jointures en évoquaient une autre. Il faillit crier « Non ! » quand elle mit sa gonne [190] .
    — On voit que tu ne connais pas les femmes !
    Là encore, elle se méprenait. Bon sang, qu’était-il venu faire ici au lieu de l’attendre au-dehors ?
    — Je connais ma sœur…
    Il croyait en avoir fini. Il fut déçu :
    — Tu m’as dit que vous ne vous étiez pas vus pendant cinq ans et qu’à peine retrouvée, tu l’avais

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