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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ressemblerait en tout et pour tout à Blandine ! Il lui fallait pour hoir un chevalier solide.
    Et si c’était une fille ?
    Eh bien, il craindrait qu’elle ne devînt pareille à sa mère. Non pas qu’il voulût découvrir en elle une preudefame à la façon de Tancrède – surtout pas ! – mais parce qu’il souhaitait qu’elle portât elle aussi son empreinte – «  le sceau des Argouges  », comme disait son père. Il fallait, fille ou garçon, plus tard jouvencelle ou jouvenceau, qu’ils fussent droits et solides, capables de supporter toutes sortes d’épreuves et, surtout, d’en triompher.
    Parfois, il imaginait l’intérêt peut-être exagéré qu’il porterait à l’un ou l’autre de ces enfants et l’ébahissement presque répulsif qui le secouerait en découvrant dans son comportement ou l’un de ses propos un trait de caractère hérité de Blandine. Et plus le terme se rapprochait, plus il craignait d’éprouver, conjointement à la joie d’être père, un désenchantement sans limites, sans substance et sans nom.
    Son regard revint à sa sœur soudain quiète, immobile et attentive : « Comme si elle avait suivi mes pensées. » Et pour mettre un terme à leur gêne, il tapa du poing sur la table :
    — Quand même, Aude, tu y vas mal de l’avoir comparée à Péronne !

V
    Les jours s’écoulèrent : un bon, quatre maussades et de nouveau un bon. Impuissant à s’assurer cette sérénité sans déchirure qu’il avait tant crue procéder du mariage, Ogier se démenait de l’aube au soir, essartant, labourant, sciant en long avec Tinchebraye ou Raymond – les seuls capables d’affûter le cran [257]  – et aidant aussi au curage des douves, labeurs qui le rabaissaient dans l’opinion de Blandine, sans qu’elle osât pourtant s’en montrer contristée. Chaque mardi matin, il visitait Thierry avec six soudoyers qu’il renouvelait la semaine suivante : ils passaient la journée au manoir de Blainville. Chaque samedi, Thierry et ses hommes – trois Normands, deux Bretons et un Tourangeau – venaient à Gratot. Ils s’étaient révélés de force égale dans les affrontements aux épées, épieux et armes d’hast [258] aux fers émoussés, mais sur les cibles, c’était souvent les sagettes et les carreaux de Gratot qui hérissaient la paille en son centre. Les deux beaux-frères se combattaient, eux aussi, puis Raymond de grand cœur affrontait l’un ou l’autre.
    — Tu t’y prends comme un preux ! s’écriait parfois Ogier, suant et haletant. Tu feras un bon écuyer ! Pas vrai, parent ?
    Champartel acquiesçait ; Raymond doutait encore. Sans doute enviait-il l’élévation de Thierry, qui le traitait aussi familièrement qu’autrefois et se fut courroucé qu’il lui signifiât par le geste et le ton, la moindre déférence.
    Ogier prisait leur compagnie. Au déclin du jour, moulu de lassitude, assoiffé, affamé, il prenait soin de Marchegai, Raymond d’Artus, et quand ils se quittaient – ils ne se reverraient qu’à table –, il advenait qu’il s’éloignât du château soit pour aller soulever jusqu’à l’exténuation quelques grosses pierres afin de fortifier ses bras, soit pour s’époumoner en des courses longues ou brèves et obtenir ainsi un souffle, un cœur et des jambes solides. Bientôt, il annoncerait à son père, puis à Blandine, sa partance pour cette Bretagne dont il ne savait rien sinon que la guerre s’y continuait, que la famine y devenait terrible et que Northampton, qui avait été nommé par Édouard III lieutenant-général pour soutenir la cause des Montfort [259] avait été remplacé par Thomas de Dagworth.
    Aux bons jours, il différait son départ : ce serait pour l’issue du mois d’avril ; lors des autres, il le fixait à la fin de la semaine en cours. Ainsi s’étaient passés les mois de février et mars. Nul ne pouvait connaître ses atermoiements, et il s’interrogeait sur la façon dont il aviserait son épouse, bien qu’elle eût pu déjà connaître son dessein en assemblant des bribes de conversations : s’ils devaient s’abstenir à table de tout propos sur la Bretagne, les soudoyers et serviteurs pouvaient en discuter ailleurs.
    « Quel visage fera-t-elle ? Quels mots dira-t-elle ? Sera-t-elle sereine, affligée, courroucée ? »
    Cette nécessité de la séparation ne lui rendait que plus sensible la beauté de Blandine. La grossesse seyait à sa charnalité. Elle

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