Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
grand-chevalerie qui est en la personne du sire Ogier d’Argouges, je lui envoie cette épée en signifiance que je querelle de frapper un tournoi et bouhourdis d’armes contre lui, en la présence des dames, damoiselles et tous autres, duquel tournoi, je lui offre, pour juges diseurs, de huit chevaliers et écuyer…
    C’était un honneur extrême que d’avoir été choisi pour défendant d’un tournoi décidé par Robert Bertrand de Bricquebec ; néanmoins cette requête constituait également une insulte. Cet homme-là, pendant cinq ans, avait ignoré la misère d’un de ses amis injustement dégradé : Godefroy d’Argouges. Ensuite, il conviait son fils alors que cette invitation eût dû être formulée au chef de famille même s’il n’était plus en état d’accepter. Enfin, s’il sollicitait le fils, c’était parce qu’il avait appris que Philippe VI l’avait fait son champion. Cependant, refuser était chose délicate. Il fallait y mettre des formes. Sur un clin d’œil de son père, Ogier interrompit le discours du héraut :
    — Je regracie messire Bertrand de l’offre qu’il me fait… Quant aux grands biens qu’il pense être en moi, je souhaiterais qu’il plût à Dieu qu’ils y demeurent… D’autre part, il y a en Cotentin moult seigneurs qui ont mieux mérité cet honneur que moi, et moult d’entre eux sauront prendre l’épée que vous me destiniez… Veuillez m’en excuser auprès de messire Bertrand… Dites-lui que j’ai des affaires à mener à leur fin, qui touchent à mon honneur et ma sécurité, et qu’il me faut les accomplir…
    — Lesquelles ? demanda le roi d’armes, un sourire de biais dans sa face de fouine.
    Ogier, qui pensait à la Bretagne, sentit la colère monter en lui. Il parvint à rire :
    — Je ne sache pas, messire, que j’aie à vous en fournir le détail.
    — Mais encore ?
    Qui était donc ce sot ? Il insistait ! Ogier pensa que le vieux Bertrand avait introduit quelques grains de sable dans un autre engrenage que celui de sa vie à Bricquebec. Les doutes qui venaient de l’effleurer se précisèrent :
    — Quand doit avoir lieu ce pardon d’armes ?
    — Le dernier dimanche du mois.
    — Tiens donc !
    — Pourquoi êtes-vous ébahi, messire ?
    — Je ne suis nullement ébahi… Il me semble que Godefroy d’Harcourt veut aussi, ce jour-là, fêter sa nomination de capitaine-souverain… Oh ! rassurez-vous, messire : je n’irai pas non plus… Mais voyez-vous, j’ai de la mémoire… Pendant une géhenne qui a duré cinq ans, Robert Bertrand de Bricquebec s’est abstenu de défendre mon père… Il a vu en lui, comme moult seigneurs à l’entour de Gratot, un traître, un déchu… Ce sont des faits qui ne se peuvent oublier… En croyant m’honorer, cet appelant m’insulte… Dites-le-lui, je vous prie… Rapportez-lui également que je n’irai point à Saint-Sauveur…
    Il leva les yeux : Blandine était à la fenêtre de leur chambre. Aux autres se penchaient les serviteurs et les servantes. Dans la cour, immobiles, Raymond, Marcaillou et les soudoyers avaient écouté, bras croisés ; leurs visages exprimaient l’approbation – et la moquerie.
    Le roi d’armes s’inclina et partit, emmenant ses hommes.
    — Ai-je bien fait, Père ?
    — Tu as fait ce qu’il fallait… Ils diront que tu favorises Harcourt…
    — Qu’importe ce qu’ils diront : je les incague [260]  !
    Il était brusquement devenu grossier pour déplaire à Blandine, qui venait d’apparaître, car à sa mine, il avait pressenti des reproches aigres-doux. Il ne s’était d’ailleurs pas mépris :
    — Tes raisons sont bonnes, Ogier… mais à répondre toujours ainsi, tu vas nous esseuler… Ne le craignez-vous pas, Père ?
    Godefroy d’Argouges sourcilla et tapota la petite main posée sur son avant-bras :
    — Vous avez raison, Blandine… Mais alors que nous dépérissions en ces murs, une seule chose s’est fortifiée, aussi bien en nos serviteurs qu’en nous-mêmes – Aude et moi – : l’honneur… Or, cet honneur, par son silence et son indifférence, Bricquebec l’a foulé aux pieds !… Il aurait pu venir me demander des comptes sur la trahison dont on m’accablait ; il s’en est abstenu. Et pourtant, s’il s’était entremis auprès du roi, j’étais sauvé… J’approuve Ogier, ma bru, et sachez-le : si Aude avait été présente, elle leur aurait jeté des

Weitere Kostenlose Bücher