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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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avait désormais un petit ventre rond qu’elle caressait amoureusement, et s’il se forgeait des muscles et une habileté, elle passait ses journées en travaux d’aiguille : l’enfant à naître ne manquerait de rien. Elle savait rénover les étoffes fanées, rapiécer, repriser, broder, et faisait l’émerveillement d’Aude à chacune de ses venues à Gratot, tout en refusant de lui retourner sa visite : la réclusion lui plaisait, disait-elle. Elle se rattraperait lorsqu’elle serait relevée de ses couches.
    Sans doute, en s’évertuant à ne bouger qu’à peine espérait-elle mettre au monde un enfant plus robuste que celui de sa belle-sœur, « replète comme une citrouille », mais qui ne se ménageait point et affirmait que de petits trots sur le dos de Pomme, sa jument morelle, accoutumaient le futur chevalier qu’elle portait en son sein à ses chevauchées futures. Elle riait en prétendant cela, et Godefroy d’Argouges, qui lui aussi ne sortait guère, hochait la tête, un sourire tout au fond de sa moustache en jachère.
    « Nous sommes à Pâques », songea Ogier en les observant, un soir, tous les trois. « Il y a un an, je rencontrais Blandine et j’en devenais fou ! »
    Il fut tiré de ses pensées par la voix flûtée de son épouse :
    — À trop vouloir un fils chevalier, méfiez-vous, Aude, de ne pas lui faire aussi des éperons !… Il vous abrocherait au passage…
    « Elle est gaie, ce jour d’hui », se dit-il pendant que sa sœur et son père s’ébaudissaient. Lui, cette repartie ne lui faisait penser qu’à ces sexes béants par lesquels les deux cousins sortiraient. Qui accoucherait son épouse ? Bertine sans doute… Blandine en voudrait-elle ?… N’était-elle pas, parmi les servantes, celle qu’elle dédaignait le plus ? Allons, il avait tout loisir de songer à ces choses, et d’ailleurs ce n’était guère à lui, un homme, de s’en mêler. Blandine était prudente et diligente : son enfantement serait réussi.
    — Vous devriez, ma bru, dit soudain Godefroy d’Argouges, aller passer quelques jours au manoir de Blainville… La mer, le grand vent vous seraient profitables.
    — Mais Gratot, Père, me convient bonnement !
    Était-ce vrai ?
    Pâques, et rien de décidé pour la Bretagne. « J’ai dit aux gars que Père n’allait pas bien… C’est vrai et ils le savent… Quand Aude vient, il fait semblant d’être à son aise, mais il tousse ; il tremble jusque devant le feu. C’est lui qui a voulu vendre nos deux veaux à Lecaudey pour que je donne une avance à mes hommes… Il va bien falloir que je m’acquitte de mes promesses envers eux, non seulement en sous, mais en actions de guerre ! »
    Pâques, déjà ! Et avant, un février frileux alors que l’autre, à sa fin, avait été si chaud. L’autre  ! Comme il semblait lointain après douze mois chargés d’événements de toute sorte… La veille de leur départ pour Chauvigny, il avait emmené Adelis jusqu’à cette mer dont Blandine se montrait rassasiée, et il ne pouvait qu’imaginer maintenant l’ancienne ribaude confondue de ravissement devant l’immensité d’acier noir, mouvant, écumant, où la lune versait à profusion ses ors. S’il se tournait trop fréquemment peut-être vers le passé, c’était moins pour y revoir de chers ou détestés fantômes que pour s’y retrouver lui, tel qu’il était « avant Blandine » : farouche quelquefois, ardent et décidé, la tête pleine d’intentions et d’idées grâce auxquelles il trouvait jusqu’au tréfonds de sa déchéance, des éléments vivifiants. Cette capacité de souffrir sans se plaindre, cette endurance aux revers grands ou bénins, cette volonté qui triomphait de tout parce qu’aussi pointue que son épée, semblaient avoir appartenu à un autre. Devant Blandine, il avait trop renoncé à être cet Ogier-là – vif et voulenturieux, acharné au besoin – pour conserver entre elle et lui une sérénité propice aux amours dignes d’eux. En pure perte.
     
    *
     
    Le mardi 1 er  mai, un héraut apparut, devançant un roi d’armes portant une cotte aux armes du chevalier au Vert Lion. À leur suite chevauchaient un poursuivant d’armes et des écuyers. Sitôt les portes de Gratot franchies, le roi d’armes leva son épée de tournoi tandis que le héraut clamait à l’intention d’Ogier et de son père, immobiles sur le perron :
    —  Pour la vaillance, prud’homie et

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