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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pierres.
     
    *
     
    — Aude ! Aude !… Toujours Aude !… Ton père ne cesse de me comparer à ta sœur. Il voudrait que je sois comme elle !
    — Il a parlé d’elle parce qu’ils ont peiné ensemble et que Bricquebec…
    — Bricquebec !… Allez-vous donc toujours remâcher vos tourments ? Par ma foi, vous semblez y prendre vos délices… Soit, vous avez connu l’opprobre et la misère, mais c’est fini ! Te voilà désormais le champion du roi. Cesse de regarder en arrière ! Vois le présent et l’avenir !
    Blandine s’encolérait ; Ogier demeurait quiet, lourd, incapable de réprouver ces reproches puisqu’ils étaient en partie fondés. Ce n’était pas une mince trouvaille de découvrir que son attachement pour elle restait entier mais qu’il était dans l’incapacité de le lui dire, et ainsi de l’apaiser.
    — Il est malaisé à tous ceux de Gratot d’oublier leur géhenne. S’il m’advient de n’y plus songer, c’est parce que ces cinq maudites années, je les ai passées chez mon oncle, qui me considérait comme un fils, et Blanquefort, son dapifer [261] , également… Mais eux ! Si tu avais été comme eux persécutée, affamée ; si tu avais craint chaque jour, chaque nuit pour ta vie, tu n’oublierais pas toutes ces épreuves… Et qui sait ! Tu en parlerais peut-être davantage que mon père, ma sœur et leurs serviteurs.
    Il s’était efforcé d’employer un ton bas, melliflue ; elle était trop occupée de sa fureur et de sa déception pour essayer de le comprendre. Derechef, il se demanda s’il était capable de la rendre heureuse autrement que dans une étreinte – et encore ! Il pressentit une nouvelle marée de jours tristes, et cela le rendit plus inhabile à lui dire qu’il la comprenait, que vus de son côté, les événements lui donnaient raison et qu’ils ne devaient plus, à cause du passé, empoisonner leur existence. Mais il l’avait piquée, elle se rebella :
    — … et cesse un peu de me parler d’Aude ! Laisse à ton père le soin de me l’exemplier [262]  !… Faut-il avoir enduré la géhenne pour être acceptée par lui ?… Je suis toujours telle que tu m’as aimée, et j’ai moi aussi mes mérites. C’est toi qui as changé parce que tu te trouves en ces murs, épié par les uns et les autres, et que tu n’oses t’y montrer l’homme que tu es devenu.
    Qu’elle eût ou non raison, un fait était certain : il l’aimait. Il l’avait admirée avec une dévotion peut-être un peu trop simplette ; il commençait à l’aimer au sens le moins noble du terme : charnellement. Un violent appétit de son corps le poussait d’autant plus vers elle qu’elle condamnait cette ardeur. Et d’autant plus sèchement qu’elle se sentait mère avant que d’être amante et épouse. Si les jeux du lit lui semblaient indécents, était-ce donc qu’elle croyait que son enfant y assistait ? Qu’il en percevait les échos ? Il ne la prenait plus que d’une façon et sans tendresses préalables. S’il essayait de la vouloir plus docile, plus aimante , elle le frappait des poings et lui tournait le dos. Comme cette nuit !
    « La Bretagne », songea-t-il comme au seul remède susceptible de le guérir de Blandine. De tout. « Crescentini m’a dit ce matin même que les gars commençaient à trouver le temps long… Père est bien mal et tient à peine sur ses jambes. Il sait qu’il me faut amasser des écus et que prise d’homme et saisie de butin sont les seuls moyens dont je dispose… Si je demeure céans que deviendrais-je ?… Obligé d’aller solliciter Thierry afin qu’il me consente un prêt pour solder mes hommes !… Et eux ? “ C’est ça le chevalier que nous servons ?… Mordieu, sa femme l’a ensorcelé !” Ce en quoi ils auront raison ! »
    Tristesse des jours à venir : Blandine portant son fruit comme un fardeau de prix ; craignant pour sa beauté, empirant à dessein jusqu’au moindre malaise… Fils ou fille ? Déjà, elle avait des gestes plus lents, plus mous. Elle semblait s’enfoncer dans un mal de langueur qui peut-être était une astuce pour qu’on la plaignît tout en la laissant seule.
    — Tu t’en vas ?
    — Il est midi… Marcaillou corne l’eau. Nous nous retrouverons à table.
    Elle leva sur lui des yeux ternes, un peu gonflés comme lorsqu’elle s’éveillait. Une griffe de mécontentement soulignait le pli de sa bouche.
    — Où allons-nous, Ogier ?… Si

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