Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
d’une bru qui s’esseulait le plus possible, ce qui semblait un outrage pour sa mesnie [252] .
    — Parlons d’autre chose, décida-t-il.
    Aussitôt, frottant doucement son ventre, Blandine se leva, dit que son enfant lui faisait mal et s’éloigna sur un « bon soir » peu amène. Raymond secourut Ogier, contrarié, en louant les joutes de Chauvigny, les plus belles qu’il eût vues ; et comme l’intérêt des soudoyers et des serviteurs faiblissait, il leur parla d’Hérodiade qui dansait couverte de sept voiles ni plus épais, ni plus lourds que des nuages, et qu’elle enlevait un à un.
    — Jusqu’à être nue ? demanda Bertine, les yeux écarquillés.
    — Elle faisait toujours en sorte de conserver le dernier, dit Marcaillou. C’est pourquoi, partout où elle dansait, elle provoquait des poignis [253] entre ceux qui avaient grand-hâte de la voir nue et ceux qui prenaient leur plaisir à petits coups… Je vous ai dit que j’étais de la jonglerie et savais aussi bien souffler dans un chalumeau qu’une cornemuse, frotter les cordes d’une viole ou d’un rebec… J’étais avec elle et son demi-frère, et je les ai quittés…
    — Pourquoi ? demanda Godefroy d’Argouges.
    — Le goût du changement… L’envie de prendre racine en un lieu plaisant.
    — Tel que Gratot ? demanda Madeleine Gosselin qui soudain semblait éprise de Marcaillou sans se soucier de son époux occupé, pourtant, à lui pincer la hanche.
    L’ancien bateleur cilla des paupières et se recueillit un moment. Nul ne parlait. On n’entendait que le glouglou d’un pichet emplissant un hanap – celui de Sapienza.
    — Gratot peut plaire ou déplaire, c’est selon le cœur et l’esprit de ceux qui y arrivent.
    « Pense-t-il à Blandine ? »
    Ogier repoussa toute réponse à cette question. Son fromage avalé, il erra dans la cour, s’attarda aux écuries et sortit sur la jetée en compagnie de Saladin et de Péronne. Seul – ou presque –, il était bien. Il se félicita que nul ne l’eût suivi, et quand il revint dans le tinel, il n’y trouva que Madeleine, Jeannette et Guillemette occupées à desservir la table. Il vit qu’elles cessaient leur bavardage et se passa de tergiversation :
    — Comment trouvez-vous mon épouse ?
    Par avance, il acceptait la vérité. Elle ne pouvait qu’être défavorable à Blandine et son attente ne provoquait en lui nulle anxiété, rien qu’un léger tremblement bien différent d’un émoi quelconque.
    D’un regard, les femmes s’étaient consultées pour se demander sans doute si elles devaient répondre franchement. En apparaissant par l’escalier des cuisines, Bertine les sauva de leur confusion :
    — On la trouve belle… Elle est belle et vous le savez bien !
    — Mais encore ?… Vous plaît-elle ?
    — C’est pas à nous qu’elle doit plaire, dit Madeleine, la bouche soudain gonflée de dédain.
    « Si je voulais, je pourrais l’enfourcher, elle aussi… » Mais à quoi bon. Il était sûr, maintenant, qu’aucune de ces femmes ne ferait preuve d’indulgence envers Blandine. Elles devaient la trouver trop pleine d’elle-même, trop secrète. Peut-être se sentaient-elles traitées, par un regard, un sourire condescendant, d’une façon pire que celle de leur condition de serves, et là, elles se méprenaient. En cette occurrence, elles pouvaient tout lui dire, et pourtant, elles rechignaient. La confiance qu’il leur accordait dépassait leur entendement, voire excitait leur méfiance. Chacune, même au plus intime d’elle-même, se conseillait de s’abstenir de crainte, nullement ce soir mais plus tard, de subir les conséquences d’une sincérité trop entachée de dérision.
    — Allons, dites-moi tout ! Nous nous connaissons trop pour que vous usiez de finesse envers moi !… Jeannette ?… Non ?… Et vous, Guillemette ?
    Pourquoi, depuis qu’elle avait un enfant, s’était-il mis à la voussoyer ? Elle en était à la fois heureuse et dépitée : heureuse d’être traitée en dame ; dépitée car la distance entre eux lui paraissait injustifiée. Ils s’étaient tant mêlés, pendant quelques semaines, qu’elle prenait sans doute cette courtoisie nouvelle pour une moquerie savamment déguisée.
    — Du moment qu’elle vous satisfait en tout , votre épouse, dit-elle, en frottant ses mains sur son devantier. Oui, du moment…
    Elle s’interrompit. Elle ne savait trop que dire, même si sa voix

Weitere Kostenlose Bücher