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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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révélait de l’aversion.
    —  En tout , ça c’est pas sûr, dit Madeleine. Les femmes de cette espèce, à ce qu’on prétend, faut pas trop les toucher : ça les salit et ça les endommage ! On les dit froides de la tête au cul… Mais ça, c’est sûrement des malveillances !
    Elle provoqua des rires ; elle y mêla le sien, et Guillemette laissa tomber son grain de sel :
    — Elles sont comme ces soieries, ces cendals, ces yraignes qui attirent tant d’œil chez les marchands… On les convoite, on s’en pare mais on n’en fait guère usage !
    Ogier sourit et s’en alla. Saladin le rejoignit. Il entendit des rires. C’était bien fait pour lui : il les avait provoqués.
    Sitôt dans la chambre où craquait un bon feu, Saladin se lova dans son coin. Ogier se dévêtit, se coucha. Blandine tenait presque toute la place ; elle se poussa puis se colla contre lui. Sans qu’il sut bien pourquoi, ce serait une nuit avec. Il eut peur, en se soustrayant à son vouloir, de la courroucer, et dans un ou deux jours d’être pris de regrets et d’un mécontentement envers lui-même pire encore que celui de cette épouse à laquelle les femmes de Gratot, dans leur lit, près de leur homme sans doute indifférent après tant et tant d’années de mariage, penseraient les unes avec envie, les autres avec une acerbité sans frein ; Guillemette la première.
     
    *
     
    Le lendemain, rasséréné, il prit à l’aube le chemin du manoir de Blainville. Il souriait. L’amour satisfait lui faisait envisager la vie autrement que la veille. Il pleuvait, mais il ne sentait pas les gouttes, et bien qu’ayant un fer usé, gênant, à la jambe arrière dextre, Marchegai semblait deviner sa gaieté : il amblait fort. Saladin, quelquefois, aboyait de plaisir. Quant à lui, Ogier, il chantait la chanson de Caron de Croisilles :
     
    Devant partir de la douce contrée
    Où la belle est, m’a mis en grand tristour
    Laisser je dois, celle qu’ai plus aimée
    Pour m’en aller servir mon Créatour
    Et cependant, tout remain à l’amour [254]
     
    Il en fallait bien peu, après tout, pour qu’il se sentît débarrassé du malaise des semaines précédentes. Qu’importait, maintenant, ce que son entourage pensait de Blandine : il l’aimait, elle l’aimait ; ils se l’étaient prouvé.
    Le voyant heureux, Aude et Thierry l’accueillirent avec plus de plaisir que la veille. Quand Marchegai eut été ferré des quatre pieds, on passa à table. Là, devant une soupe épaisse, Ogier demanda :
    — Es-tu contente, ma sœur, de ce coupon que Blandine est venue te proposer ?
    Le mariage avait appris à Aude bien des choses ; pas tant, sans doute, que cinq années d’opprobre, de privations, de disette de vivres et d’argent. Elle sourit sans effort :
    — Nous y avons gagné, je crois, toutes les deux… Et sois sans crainte : elle ne t’a pas fait passer pour un pauvre, un avaricieux… Elle sait tes mérites, ceux de Père et des autres… Elle trouve notre Normandie froide et triste… Voilà…
    — Qu’en penses-tu vraiment ?
    Aude, un moment, regarda Thierry comme si elle en espérait un encouragement. En fait, Ogier comprit qu’elle allait s’exprimer pour eux deux, parce qu’ils pensaient pareillement, non seulement sur Blandine, mais à propos de tout.
    — Quand notre ancêtre a rencontré la fée dans un des bois de Gratot, il s’en est épris à ta façon… Quand j’ai vu Thierry, je m’en suis amourée à la mienne… Elle est noble… Moi, Thierry, c’était un rustique…
    Aude posa sa petite main sur la senestre épaisse et rude de Champartel. Et sourit :
    — Entre nos deux amours, c’est la différence… Pendant que tu traversais moult épreuves, le souvenir de cette pucelle a été comme un onguent sur tes plaies, un remède à ta désespérance… Tu l’as parée des qualités d’une fée alors qu’elle n’est qu’une simple mortelle… comme moi… Nul n’est parfait… Ni toi ni moi… Ni Thierry ni personne… La perfection de la beauté n’a jamais signifié la perfection de l’esprit et du cœur… Mais je crois justement que Blandine est bonne… Seulement…
    — Seulement ?
    — Elle ne sera jamais pareille à celle dont tu rêvais chez ce mire qui t’a soigné ou du fond de ta geôle d’Angle… Elle a eu un seul père, mais deux mères dissemblables ; l’une qui l’aimait – la vraie –, l’autre qui feignait de l’aimer. Elle a vécu

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