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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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grand-baronnie se sont efforcés d’y recréer le décor de ces liesses qu’ils aiment tant…
    — Une armée s’amollit ainsi, dit Sapienza.
    Son cheval portait de part et d’autre du garrot son écu et son arbalète : une arme assez petite fonctionnant au moyen d’un pied-de-biche et non d’un cranequin comme celle de Crescentini. Il la touchait parfois de la tête à la crosse, en s’attardant sur l’arc fait de lames de bois alternant avec des nerfs de loup. Aux boyaux tressés formant la « corde » de l’arbalète de Sapienza, il préférait les durs fils de chanvre. Il portait sur son dos trois carquois de carreaux faits de sa main, à fer aigu et pyramidal, aux empennes de bois sculptées les soirs d’hiver. Il était coiffé d’une barbute, le corps couvert d’un gambison de mailles renforcé d’un plastron de fer, les cuisses protégées de chausses de cuir et les genoux de genouillères. Pour que nul ne le reconnût s’il rencontrait d’anciens compagnons d’armes, il s’était laissé pousser barbe et moustache – Crescentini également.
    — Descendons et informons-nous du lieu où est Philippe…
    Thierry s’approcha d’Ogier :
    — Je n’aime pas cela… Je suis sûr que pendant le temps, Édouard, informé de ce qui se passe céans, a renforcé toutes ses défenses et fait venir d’autres compagnies de la Grande île !
    — On serait mieux à Gratot, dit Mahé qui, avec Le Hanvic, avait la charge des sommiers.
    S’était-il amouré de quelque fille de Coutances ou d’ailleurs ? Il était le premier à révéler son regret, et plutôt que d’en rire, tous approuvaient, même Jaucourt qui n’avait jamais quitté le manoir de Blainville où quelque attachement l’avait peut-être maintenu : vu son état, Aude avait engagé deux servantes.
    Ils avancèrent en silence, le dos courbé moins par le poids de leurs habits de fer et de leurs armes que par une incertitude infinie.
    Dans un champ, des chariots, dolmons, haquets et trinqueballes supportaient ou soutenaient les pièces détachées des machines de guerre : mangonneaux, trébuchets, arbalètes à tour ; des béliers aussi pour ébranler portes et murailles et des trépans aux gros aiguillons de fer pour les percer. Un homme veillait sur toutes ces charretées ; torse nu, il était coiffé du hanepier, ce chapel de fer conique à bord très large : ainsi se protégeait-il du soleil. Plus loin, c’étaient les tentes aux victuailles, les feux et leurs brochées et marmitées fumantes ; une forge où l’on ferrait un bœuf de trait, une autre où un haulmier [289] , sur une petite enclume, martelait une pansière, et derrière le déploiement des pennons et des bannières, les tentes des guerriers et le grouillement, le charivari de tous ces hommes avant le repas de midi.
    — Il y a moult arbalétriers de chez nous ! s’étonna Crescentini.
    — En vérité, compère, approuva Sapienza. C’est comme si nos trépassés de Crécy avaient ressuscité.
    Il y avait, en effet, des Génois en abondance. Appuyés aux râteliers d’armes d’où pendaient des centaines d’arbalètes, leurs grands pavois en forme de cœur allongé, fraîchement repeints, scintillaient.
    « Encore des arbalètes et ces écus énormes qui empêchent la course et gênent les mouvements ! »
    Tout en considérant l’étalage de cet armement lourd, d’un maniement lent et pénible, Ogier ne put résister à un sombre pressentiment. La preuve de l’impuissance des compagnies d’arbalétriers lui avait été administrée en partie à Crécy, où le long bow anglais, simple et terrible, avait fait merveille dans les mains d’archers prompts et habiles. Tandis qu’en son royaume Édouard III interdisait tout autre jeu que le tir à l’arc, on méprisait, en France, les hurons et manants qui s’y livraient, et pour faire bonne mesure à ce dédain, on avait décidé d’un impôt sur les cordes ! Au moins, leurs carquois vidés, Sapienza et Crescentini sauraient-ils combattre à l’arme d’hast et s’il le fallait, à l’épée.
    — Aussi vrai que mon nom est Argouges, dit Ogier à ses deux Génois, vous êtes mes soudoyers. Nul ne peut vous soustraire à mon service… Hâtons-nous pourtant de traverser cette cohue…
    Au-delà du canton réservé aux mercenaires s’étendait la cité de toile et de bordât, d’estanfort et de cariset [290] de la petite baronnie, de l’écuyerie, des manants et des hurons ; mais

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