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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ceux-là gloutonnent !… Voyez ces gouliafres aux faces rouges jusqu’aux oreilles ! Bon sang, ils me font peur !… Ce ne sont pas ces repus qui vaincront à Calais.
    Il avait cent fois raison, mais sa fureur était vaine. Avec nervosité, car il se contenait, Ogier serra ses jambes sur les flancs de Marchegai, et sans se retourner puisque, près de Joubert, il avait pris le commandement :
    — Apaisez-vous et dites-vous que nous ne sommes rien dans cet ost : une poignée de gars qui sauraient faire la guerre autrement mais auxquels on ne demandera aucun conseil. Si j’étais venu seul, le roi, j’en suis sûr, m’en aurait voulu : il aime à voir la foule autour de lui. Si nous combattons, faites de votre mieux… Faites votre possible… Obéissez, certes, aux mandements des capitaines, mais oyez aussi ceux de votre cœur !
    Ils rirent. Tinchebraye s’exclama : « Vous alors ! » et ce fut tout. Et comme ils s’éloignaient du bruit, des odeurs, des brillances, Ogier fut sensible aux cliquetis de leurs armes, aux craquements des cuirs et des lormeries des chevaux et des branches écrasées ; à la tiédeur des ombrages qui donnaient à penser que la forêt avait la fièvre. Après s’être brisées sur les eaux de la Canche, les flèches du soleil se reflétaient sur la ramée, pâlissant par touffes les feuilles jusqu’à donner à certaines d’entre elles l’apparence de l’argent… L’argent et l’or, le luxus des Romains et sûrement la luxure, car tous les appétits de ces hommes devaient se satisfaire à coups d’écus. Mais où forniquaient-ils ? Jusqu’à présent, il n’avait aperçu aucune ribaude. Dormaient-elles dans quelques chariots en attendant la vesprée, ou y avait-il des bordeaux dans les grandes cités voisines ?
    — À quoi penses-tu ? demanda Thierry.
    — À moult choses. Tiens, il me vient en tête que le châtelet de la Broye doit être à une lieue d’où nous sommes.
    — Veux-tu que nous y allions demain ?
    — Je n’y retournerai jamais. C’est pour moi un endroit maudit… mais je comprends qu’il en aille différemment pour toi, beau-frère, puisque le roi t’y fit chevalier.
    — Holà ! s’écria soudain Tinchebraye, ne trouvez-vous pas, messires, que nous serions bien céans ?… La forêt fait un creux et la rivière est proche : nous avons de quoi placer nos chevaux…
    — C’est vrai qu’on serait bien, dit Joubert.
    — Alors, soit : arrêtons-nous… et si tu vois, Joubert… et toi, Jaucourt, un cerf blanc débucher non loin d’où nous sommes, ne soufflez pas dans l’olifant : le roi accourrait et nous mettrait tout en l’air sans pourtant réussir à l’atteindre.
    Ils rirent, montèrent la tente et mirent les chevaux à l’aise. Sapienza et Crescentini étalèrent sur l’herbe le pain, les gourdes de vin et les victuailles achetés à Boulogne.
    — Dieu seul sait, dit Tinchebraye, si nous mangerons encore ensemble dans une semaine, à Calais ou ailleurs.
    Tous s’assirent. De la pointe de son poignard, Sapienza égratigna d’une croix le bombé de la miche.
    — Que le Seigneur, dit-il, nous conserve la vie.
    Le Hanvic, Thierry et Mahé s’entretinrent, en attendant leur part, de ces bombardes dont on rapportait qu’Édouard avait entouré ses défenses :
    — Un boulet vous coupe un homme en deux, dit Mahé.
    — Ça vous arrache un bras, une jambe comme nous une patte à une mouche ! grommela Le Hanvic. Des armes pareilles, ça devrait pas exister…
    — La Papauté, jadis, a proscrit l’arbalète, dit Joubert en roulant la bannière aux lions d’or. Elle en fera autant pour ces engins… Les perrières et ribaudequins, c’est de la merdaille à côté… Paraît qu’un de ces boulets peut te faire rouler la tête à plus de cent toises !
    Courteille et Desfeux, les seuls qui n’avaient jamais ostoié [299] et s’étaient merveillés de passer pour des guerriers éprouvés, se levèrent après avoir reçu leur part de pain et de saucisse, et se mirent à marcher en mangeant.
    — Tu crois que ça peut nous arriver ? demanda Courteille.
    Desfeux ne lui répondit pas. Devinant que la peur les mordait aux entrailles, Raymond les rejoignit à grandes enjambées.
    — Bombardes ou pas, dit Jaucourt, faut obliger ces maufaiteurs à dessiéger Calais !
    — Je vais me demander une fois de plus, dit Tinchebraye, comment c’est fait, le paradis !… Ça me plairait s’il y a des

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