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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ta bannière et la mienne…
    — Nous entrerons d’autant plus aisément que voici l’Henri… T’en souviens-tu ?
    — Le comte d’Alençon nous l’avait désigné pour garde, à Chauvigny.
    — Il était à Crécy. Je le croyais occis. Il a dû avoir un bon cheval ou de bonnes jambes !
    Ils sourirent, sans se regarder, tandis que le sergent se hâtait à leur rencontre :
    — Ah ! messires, quelle joie de vous retrouver !… Je savais que vous viendriez, de même que j’ai su, par la bouche du roi qui, un soir, en parlait à ses fils, comment vous avez vaincu Blainville, vous, messire Ogier… Je sais aussi qui vous êtes vraiment.
    Le fourreau de son épée touchait des genoux et des mollets sans que ceux qui eussent dû s’en plaindre émissent une protestation : on connaissait l’Henri. Dans l’ombre du roi dont il avait servi le défunt frère, ce huron tenait des pouvoirs sans conteste incongrus, mais solides. Ses yeux brillaient sous le bourrelet de la barbute ; il avait toujours le même air avenant et résolu, et son visage tanné par le grand soleil et le vent du Nord exprimait, au-delà du plaisir des retrouvailles, une mélancolie assortie d’une inguérissable fatigue. Il se découvrit, faisant apparaître un crâne à la peau claire, presque rose, à travers des cheveux rares et cendrés :
    — Je vois une seconde estranière [298] … et un marteau… Thierry, vous étiez écuyer…
    Raymond amena son cheval à la droite d’Ogier :
    — J’ai pris sa place auprès de messire d’Argouges, puisque le roi a armé Champartel chevalier, ce que tu ne savais pas !
    Alors que ses compagnons s’en souciaient peu, et que l’usage s’en raréfiait parmi les hommes de guerre, il tenait, lui, à la particule. De plus, établissait-il ainsi une différence entre la naissance noble du seigneur qu’il servait et celle, plébéienne, de Thierry sans qu’il fût pour autant jaloux de celui-ci. Peut-être nourrissait-il le secret désir d’avoir un jour l’occasion de sauver quelque haut personnage et d’accéder ainsi à la Chevalerie.
    — Ah ! Raymond, se réjouit l’Henri sans s’incliner cette fois. Bien content de te revoir aussi !… Écuyer ? Je t’en louange… Pourquoi as-tu cet air maussade, puisque la vie te sourit !… Écuyer, c’est un sort enviable !
    Sans doute avait-il rêvé d’être écuyer sans se douter que son service auprès des Grands lui fournissait tout à la fois plus de pouvoir et de liberté.
    — J’ai l’air maussade, ami, à cause de tout ce que je vois à l’entour de moi.
    — Moins fort ! intima l’Henri en désignant, de biais, un seigneur dont l’armure scintillait au point que, le matin, il pouvait se mirer dedans pour se raser.
    — Qui est-ce ? demanda Thierry.
    — Gauthier de Brienne, duc d’Athènes… connétable de France.
    — A-t-il toujours quelque influence sur le roi ? Philippe a besoin d’éloges et de soutien… Blainville est mort. L’a-t-il remplacé ?
    — Non, messire Ogier, dit l’Henri. Pas à ma connaissance.
    Et clignant de l’œil :
    — Il doit y avoir une place à prendre !
    — Qu’un servile l’occupe ! s’écria Ogier sans pouvoir contenir un geste de dégoût. Je laisse volontiers la brigue et les honneurs aux autres. Le roi est-il présent ?
    — Non… Il est parti chasser avec ses fils et quelques compagnons… Hier soir, au souper, Geoffroi de Charny a dit qu’un huron lui avait rapporté avoir vu un cerf blanc.
    — Allons bon ! fit Ogier. Le cerf blanc a cessé d’exister depuis les temps lointains du roi Artus… Dois-je m’ébaudir, l’Henri, que le roi courre cette bête ?… Ah ! certes, j’y ai cru tout comme j’ai cru aux unicornes, mais je suis bien guéri de mes illusions.
    — J’y crois, moi, dit Joubert, au cerf blanc…
    — Le roi est mon aîné d’au moins trente ans ! acheva Ogier, riant plus fort. Il devrait mépriser ces sornettes.
    L’Henri eut un geste de résignation :
    — Corps d’homme, tête d’enfant. Rien ne le pourra changer. Où allez-vous loger ?
    — Au seuil de la forêt… Nous y serons à l’aise !
    Ils partirent aussi fièrement que possible sous les regards de quelques nobles qui s’attablaient en se souhaitant bruyamment bon appétit.
    — Et les malheureux de Calais, pendant ce temps, n’ont plus qu’à manger des souris et des rats ! grogna Thierry. Un an qu’ils souffrent la géhenne ; un an que tous

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