Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
pouvaient s’alléger de leur harnois et se délasser convenablement.
    — Tu vois, Raymond, une armée en repos depuis fort longtemps, j’en jurerais. On la dirait victorieuse !… Cela m’ébahit autant que toi et les autres. Si tu avais usé tes semelles ou chevauché avec Thierry, Tinchebraye, Joubert, Le Hanvic et Mahé ainsi que nos Génois sur les voies où, l’an passé, nous avons épuisé notre orgueil et nos forces avant d’affronter les démons d’Angleterre, tu te réjouirais peut-être de voir que ces hommes d’armes, devant nous, vont et viennent comme s’ils ne redoutaient rien… surtout pas un échec sanglant !
    Pressant Marchegai, Ogier rejoignit son pennoncier au sommet d’une motte herbue, couronnée d’ormes.
    — Là, on a bonne vue ! dit Joubert, la hampe de la bannière contre son épaule.
    Ils découvraient dans les champs et les bosquets ceignant la cité, des centaines de tentes dont quelques-unes, à l’écart du large anneau coloré, brillaient de leur velours ou de leur soie retorse : c’étaient celles du roi, de ses fils, des maréchaux et seigneurs fortunés. Dix ou douze, de toile bise, touchaient aux murs de ce qui semblait être une abbaye ; certaines s’entassaient autour d’un monastère [285] , d’autres processionnaient aux rives de la Canche : il était plus aisé ainsi de procéder aux ablutions et lessives, d’abreuver les chevaux et même de pêcher, tâche impartie aux goujats et aux moines groupés presque côte à côte en un lieu où la rivière formait un coude avant d’aller se perdre dans une forêt d’où sortaient quatre garçons [286] portant un chevreuil mort.
    — La belle vie, dit Thierry en s’approchant d’Ogier. Ils sont ici depuis peut-être deux semaines.
    — Avec toute cette gent mâle autour d’elles, les commères et les pucelles de Hesdin doivent rarement quitter leur logis !
    Disant cela, Courteille semblait déçu. Mahé fît entendre son rire bas ou toussotant :
    — À moins qu’elles ne soient putes. En quel cas, elles font fortune.
    — Le lavoir est vide, remarqua Le Hanvic.
    — La belle vie, reprit Thierry. En cheminant, je me suis dit parfois que je trouverais céans des milliers de compagnons prêts à partir guerroyer comme s’ils n’attendaient plus que nous… Je me disais aussi que leur nombre serait rassurant… Je t’avoue, Ogier, que je suis inquiet… même s’il y a là, sans doute, plus de cinquante mille hommes.
    — Avant Crécy, dit Crescentini dont le cheval mâchait son mors, nous étions las, affamés… L’armée que nous voyons n’est ni hodée [287] ni tourmentée par la malefaim.
    Il replaça dans son dos l’arbalète qui l’incommodait à la hanche :
    — Cela me paraît prometteur de victoire. Pas vrai, messire ?
    Ogier l’approuva en silence.
    — S’ils sont ici depuis plusieurs semaines, dit Sapienza, c’est que le roi Philippe ignore ce qu’il veut !… Une fois encore !… Nous avions cru le trouver non loin de Calais. Nous avons dû revenir vingt lieues en arrière… Nous aurions pu rencontrer un parti de Goddons…
    Tinchebraye, qui venait de mettre pied à terre, compissait un tronc d’orme.
    — Je vous avais conseillé, messire Ogier, de ne pas aller vers Saint-Valéry et le Crotoy, mais vous avez voulu revoir la Blanche-Tache, passer à gué puis, de là, cheminer vers Boulogne… Heureusement que nous y avons croisé ce chevaucheur qui nous a dit où nous rejoindrions l’ost !
    Ogier remua sa tête nue et passa sur son front le revers de son poignet. Il suait. La chaleur, certes, mais également une mauvaise fièvre. Elle infectait son sang chaque fois qu’il pensait à Blandine ; il y avait songé juste avant de découvrir, dans la faille de deux collines, les premières tentes de l’ost royal.
    — J’ai voulu repasser par la Blanche-Tache pour savoir…
    — Savoir quoi ? demanda Tinchebraye en rabaissant le devant de son haubergeon.
    — Savoir, en ce lieu où j’ai vu périr tant d’hommes de chez nous par la faute d’un seul – Godemar du Fay, que le roi n’a pas châtié à ce qu’il semble –, savoir si j’avais toujours la même haine des Anglais.
    Il reçut sur son épaulière la main dégantée de Thierry que tant de scrupule égayait :
    — L’as-tu toujours ? Moi si… Nous avons ensemble levé l’épée et féri de bons coups dans ce gué où tu nous as fait patauger !
    Ogier serra les dents. Privé

Weitere Kostenlose Bücher