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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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le cœur battant.
    — Y a quelqu’un, dit Tinchebraye.
    Au milieu de la façade blême, entre les réseaux de plomb d’une fenêtre, une lueur tremblait. Était-ce la chambre de Blandine ?
    — Il se peut qu’elle soit seule avec sa mère… Les vieux serviteurs eux-mêmes doivent avoir été requis à la défense… Venez…
    Ogier poussa un vantail donnant sur une cour. Au fond, dans une écurie, un cheval renâclait et frappait du sabot : il avait vu partir ses compagnons ; il les attendait. Cette attente serait vaine.
    — Elle va être tout ébaubie ! dit Tinchebraye.
    — Et joyeuse ! ajouta Joubert qui n’aimait jamais être en reste.
    Après avoir monté les marches du perron, Ogier frappa du poing sur la porte.
    — Qui va venir ? chuchota-t-il.
    Collant son oreille contre le bois façonné en panneaux fleurdelisés, il entendit des pas. Une voix qu’il reconnut demanda : «  Qui va là ? » Il se redressa :
    — Ouvrez sans crainte, dame Berland. Nous sommes trois et venons en sauveurs.
    L’huis tourna lentement sur ses gonds.
    — Vous !
    Indignée par la présence de ce dérangeur à la cuirasse et sarrau sanglants qui, six mois plus tôt, avait fait scandale aux liesses de Chauvigny, la mère de Blandine voulut se clore ; Ogier l’en empêcha aisément :
    — C’est moi. Je me justifierai plus tard car le temps presse : avant l’aube ou de bon matin, Poitiers tombera au pouvoir des Anglais.
    Bien qu’elle eût laissé découvrir dans son regard une détresse manifeste, dame Berland se regimba violemment :
    — Qui a pu vous faire accroire que notre bonne cité tombera ?… Aimery de Rochechouart assisté de mon époux et de toute la bachelerie [44] présente en nos murs la défendront avec cœur !… Et mon fils, Herbert, y sera lui aussi [45]  !
    Enfin, elle en parlait ! Fallait-il ruiner cette certitude, ou celle-ci n’était-elle due qu’à un ultime sursaut d’outrecuidance dissimulant une frayeur bien légitime ?
    — Dame, j’ai appris par Rochechouart que vous avez un fils. Est-il couard pour que je n’aie pas eu le plaisir de l’affronter en champ clos ?… Vous ne répondez pas ? Soit… Quant à la confiance que vous faites à la prud’homie poitevine, sachez-le : Vous parleriez différemment si vous aviez eu accès, cette nuit, aux murailles !
    Dans ce visage fin, enlaidi par une fierté presque aussi intolérable que celle de messire Berland, les joues, les pommettes avaient la pâleur des deux chandelles qui, sur un bahut, jetaient en ce vestibule une clarté dansante et trouble.
    — Mon fils, aux dernières Pâques, n’était ni à Chauvigny ni à Poitiers. Mais l’eussiez-vous affronté qu’il vous aurait bouté hors des arçons !… Et sachez-le, je n’ai nul besoin de monter en haut de quelque tour ou quelque courtine : mes serviteurs vont et viennent des parois de l’enceinte à cet hôtel où votre présence est insupportable !
    Elle s’était apprêtée pour la nuit, serrant ses cheveux roux dans une cramignole noire d’où, pourtant, ils sortaient par bribes. « Inchangée, sauf cette peau blanche de peur ! » Et tout en avançant d’un pas, Ogier retrouva ces yeux gris-vert hautains, cette bouche sévère qui jamais n’avait su rire de bon cœur, ce petit menton pointu où perlait un bouton de fièvre.
    — Dame, ne croyez pas qu’une petite chevalerie fera grand mal à Derby et ses hommes ! Elle était immense à Crécy et s’est fait occire par des hurons ! Mes compagnons et moi en pouvons témoigner !
    — Hé oui, dit Tinchebraye en invitant Joubert à s’asseoir sur un banc tout proche.
    Dame Berland frémit de cette audace. La pénombre la faisait paraître plus grande, plus charnue. Ogier fit un dernier effort de courtoisie :
    — Dame, lorsque Derby et ses malandrins entreront en ville, Rochechouart et ses pairs ne pourront rien contre cette effoudre [46]  ! Quant à vous, il sera trop tard pour adjurer le Ciel… et les Goddons et Gascons de vous épargner. Ils vous passeront sur le corps et vous occiront ensuite… Si cette fin vous paraît enviable, la souhaitez-vous pour votre fille ?
    Les lèvres de dame Berland, pincées, se voyaient à peine, et sous ses cils battants ses yeux étincelaient. Elle se voyait nue, hurlante et impuissante à se délivrer des mains de la truandaille. Une colère l’empourpra, due sans doute à la façon dont Tinchebraye l’observait et qu’elle eût dû,

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