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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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maison ? Quelque faille de rocher ouverte sur la campagne ? La crypte d’une église ou, comme à l’issue du souterrain de Gratot, une sépulture vide ?
    — Hâtez-vous ! haleta Joubert. La damoiselle se pâme…
    « Un sépulcre… Les fuyards semblent en avoir brisé la dalle… Des échelons de fer… Bon sang, que ce puits est profond ! »
    Lentement, Ogier émergea du caveau et sauta dans un nid de fougères piétinées depuis peu. Il se pencha sur l’orifice et, lâchant son épée, tendit ses mains à celles qu’il apercevait.
    — Aidez-moi ! supplia dame Berland.
    Il la tira, parvint à l’empoigner aux aisselles et l’enleva d’un coup si violent qu’il chut dans les herbes avec elle. Tandis qu’elle demeurait, allongée, gémissante, il scruta derechef les profondeurs du tombeau.
    — Tenez, messire… Hâtez-vous !
    Il agrippa le bissac que Joubert maintenait sur sa tête, le jeta hors du trou puis aida le pennoncier à se dégager. Il saisit des mains, ensuite : celles de Blandine. L’amenant jusqu’à lui, puis la ceinturant doucement, il la tira du pertuis et l’étendit près de sa mère tandis que Tinchebraye le rejoignait.
    — Si je ne l’avais pas poussée, elle y serait restée, je crois bien.
    — Je t’en regracie et loue ton courage.
    Les yeux noirs, larmoyants d’émoi, Blandine avalait goulûment l’air nocturne, glacé. Ogier serra ses mains dans les siennes sans qu’elle répondît à ses pressions. Dans la brume sulfureuse que le Clain, tout proche, diffusait sur ses rives, sa face livide, poissée de sueur, semblait celle d’une noyée. Si sa poitrine se gonflait irrégulièrement, son pouls commençait à battre plus fort.
    — Compagnons, allez voir où nous sommes… Défiez-vous de tout !
    Le dos penché, l’épée en main, Joubert et Tinchebraye s’éloignèrent.
    — Tout va bien… Apaisez-vous toutes deux…
    Ogier se releva. Quoiqu’il eût rassuré Blandine d’un sourire, sa maussaderie subsistait. Le soulagement et la satisfaction d’être hors de la cité n’assoupissaient en rien cette anxiété dont la persévérance le chagrinait et qui, peut-être, devait plus à cette jouvencelle dont il ignorait tout qu’à des dangers imprévisibles. Il redoutait de s’engluer longtemps dans cette nuit terrible, grivelée en haut par les rares feux des étoiles, jonchée en bas par les brasiers anglais dont les frémissements du Clain multipliaient l’importance. Sourcils froncés, tout en replaçant Confiance à sa ceinture, il observa à l’entour.
    — Des ruines… Un vieux moutier sans doute.
    La lune répandait ses clartés sur ces vestiges où s’érigeaient quelques puissants fantômes d’arbres. Les arêtes des murs et les candélabres d’une rangée de colonnes inégalement rompues les retenaient pour composer avec les ombres des éboulis et des buissons, des arches et des linteaux, un spectacle d’une quiétude qui sans doute une autre nuit l’eût grisé.
    — On se croirait en paix… L’assaut de la cité n’est pas commencé, mais il ne saurait tarder : les feux se multiplient devant les murailles… Si Robert Knolles est avec lui, il aura conseillé à Derby d’en finir avant l’aube… Ah ! dames, je voudrais bien pouvoir tourner le dos à cette ville et m’emplir les yeux, le cœur de la sérénité de ces ruines…
    Sentant Blandine remuer, il s’agenouilla de nouveau près d’elle et lui trouva les mains plus fraîches :
    — Reprenez confiance.
    Les célestes lueurs la touchaient, elle aussi, de sorte que sur son lit d’herbes noires, elle semblait, dans ses vêtements d’homme, un archange étourdi par sa chute, et dont la mémoire défaillait encore. Le seul mouvement né de son souffle, les luisances de ses dents pour un sourire, cette pointe claire, dans ses yeux, que ses paupières semblaient vouloir éteindre, se chargeaient d’une dilection dont elle méconnaissait la force délicieuse. À quoi bon se soucier de sa mère : elle semblait prier, les mains à plat, réunies entre ses seins. Ogier baissa la voix :
    — Nous avons accompli le plus difficile… Je veux vous épouser sans tarder…
    Doigts légers, lèvres sinueuses, regard tendre et reconnaissant. Enhardi par cet abandon, ce sourire, ce clignement d’yeux, il baisa la pucelle au front, puis furtivement sur la bouche, mécontentant dame Berland, soudain étayée sur un coude, et qui sans doute eût tancé sa fille à voix

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