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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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souveraineté ! À défaut toutefois d’amour vrai, il avait affectionné ces huronnes, apprécié leur franchise, leur aisance et parfois leur hardiesse à s’offrir. Il n’avait jamais eu à discourir et à s’agenouiller pour obtenir leur consentement. Certaines avaient même souhaité lui appartenir avant que l’envie lui fût venue de les prendre. Comment se glorifier de telles redditions dues au seul privilège d’être né noble ? Blandine différait de ces créatures dont, pourtant, il conservait une souvenance attendrie. Elle tendait vers lui un regard doux et las, et comme le souffle inégal et tiède de la pucelle effleurait sa joue, le désir de possession, avivé par ses récentes pensées, s’enveloppa d’une crainte inconnue.
    — J’étouffe, Ogier… Je crains…
    — Ne dites mot. Parler, c’est consumer vos forces !
    La rareté de l’air le tourmentait aussi. Sa gorge durcissait, s’échauffait ; ses genoux se plombaient et son dos se voûtait sous le poids du bissac de Blandine, qu’il avait pourtant trouvé léger lorsqu’ils avaient quitté les Halles. Les mouvements, les ombres, les chuchotements et les bruits l’irritaient, et n’eût été la présence de la jouvencelle et de sa mère qu’il se fut soulagé de son malaise en stimulant du geste et de la voix Joubert et Tinchebraye.
    — Oh ! s’exclama le pennoncier.
    La galerie présentait un coude. Une arche surbaissée apparut et, aussitôt après, quelques degrés de pierre.
    — Enfin !… Approchez, messire, pour le cas où nous devrions nous battre. Et prenez garde : ce cintre-là pourrait bien s’ébouler.
    À regret, Ogier abandonna la main de Blandine, empoigna Confiance et rejoignit Joubert, prêt à éteindre le flambeau, ce que d’un geste il lui déconseilla.
    — Montons… Prenez garde à vos têtes…
    Il se tourna vers ses suivants immédiats : dame Berland et Tinchebraye. Leurs faces lui parurent grisâtres. Assurément, ces parois suant des morves noires entre lesquelles l’air devenait si pauvre que la mère de Blandine en gémissait, leur paraissaient plus maléficieuses, maintenant, que les Anglais. La flambeau brasilla, sa flamme s’affaiblit et mourut.
    — Merdaille ! grommela Tinchebraye. Donne l’autre, Joubert.
    Le pennoncier jura et gémit tout ensemble : avançant dans les ténèbres, il venait de heurter quelques chicots de pierre. Il battit le briquet – étincelles roses dans l’obscurité fluide –, alluma l’étoupe, et la flamme apparut, goutte d’or incertaine. Joubert l’approcha du second flambeau qu’il avait, au départ des Halles, coincé dans sa ceinture.
    — Nous sommes trop, dit-il tandis que son haleine effrayait la petite flamme.
    Ogier avait atteint le haut de l’escalier.
    — Une porte de fer, dit-il. Approche, Tinchebraye…
    L’arbalétrier abandonna dame Berland.
    — Cet huis me paraît en bon état, messire, mais bien petiot !… Pour sortir, va falloir nous vituler [53] .
    Poussant le vantail, Ogier fut surpris de n’éprouver aucune résistance.
    — Des gens nous ont devancés… Bourbon et quelques autres, sûrement…
    La flamme courte et pâle éclaira une galerie dont la voûte s’abaissait. Des rats, débusqués, s’éloignèrent. Tinchebraye lâcha sa barre de fer.
    — C’est ça ! soupira Joubert. Veux-tu une crécelle ou un olifant pour annoncer notre apparition ?
    Ogier s’adressa à Blandine et sa mère :
    — Il va falloir frotter votre ventre et vos épaules aux parois de cette tanière… Sachez vous servir de vos coudes… Comme cela… Je passe le premier…
    — Ouvrez l’œil, messire, recommanda Joubert. Quelques-uns de ces ribauds peuvent errer non loin de nous…
    La peur lui rongeait les poumons : sa voix en devenait poussive, chuchoteuse. Sans répondre, poignant Confiance l’estoc en avant, Ogier s’engagea en rampant dans le passage.
    « Du roc, toujours du roc !… Je m’y meurtris le poitrail et les coudes… »
    Il ne voyait rien ; rien n’arrêtait la pointe de son épée. L’air lui semblait moins rare et moins frais. Il pensa que les femmes, étroites d’épaules, avanceraient en ce conduit plus aisément que lui-même. Seuls leurs seins souffriraient… Pas bien longtemps sans doute… Sa chair le cuisait entre son épaule droite et son coude. Sirvin y remédierait… Qu’allait-il découvrir au-delà de ces aspérités ténébreuses ? Atteindrait-il la cave d’une

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