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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’accroupissant, sur un signe de l’un ou l’autre des hommes d’armes, dans les herbes mouchetées de rosée.
    Ogier revint auprès de Blandine, laissant le soin à ses deux compagnons de sonder les ténèbres. Une fois, il se retourna et dit :
    — Voyez, m’amie…
    Le ciel, au-dessus de Poitiers, s’écorchait des flammes de l’assaut, mais le vent et le continuel bruissement des feuillages atténuaient les rumeurs de la bataille.
    — À quoi pensez-vous ?
    Blandine resta silencieuse. Sans doute se demandait-elle ce que devenaient ses amis, ses voisins, et surtout, peut-être, Aimery de Rochechouart. Les hommes perdus au cours de la sortie devaient présentement manquer à ce piteux capitaine.
    Il se sentit griffé au genou et quelque chose retint Blandine. Elle dit : « Ça pique. » Il s’aperçut qu’ils s’étaient enfoncés dans une ronceraie.
    « Nous ne sommes pas passés de ce côté quand nous sommes partis… Nous nous égarons… »
    Les ronces égratignaient leurs vêtements et les aiguillonnaient aux mollets et aux cuisses. Ogier dut tirer sur la gibecière dont les plantes durement accrochées à elle semblaient vouloir s’emparer. Impossible de sortir de ce vaste hérisson de ronces : il fallait aller tout droit sans souci des rameaux malfaisants, et réprimer surtout aussi bien les cris que les mouvements de colère. Parfois, dix hameçons l’attrapaient de partout, et il fallait avancer, avancer toujours pour retrouver plus loin le même assaut perfide. Un sanglot. Était-ce Blandine, devant ? Non, c’était sa mère. Blandine ne se plaignait pas. « Elle est digne. Digne d’être l’épouse d’un chevalier. » Elle se retourna :
    — Des fougères…
    C’était vrai.
    — Couchés ! chuchota Tinchebraye.
    Ils s’allongèrent. Ogier rampa jusqu’à la jouvencelle, pressa son dos de sa senestre, tandis que la prise de Confiance semblait empoisser sa dextre. Il effleura cette échine d’une main sûre, en apparence innocente. « Elle ne se regimbe pas. Sa mère, toute proche peut nous voir… » Audace et crainte bouillonnaient en lui tandis qu’une étincelle tremblait au bord des cils de la pucelle.
    — Il…
    — Chut, m’amie !
    Sa main reposait sur des reins doux et fermes quand une ombre apparut. Celle d’un guerrier coiffé d’une barbute, une guisarme sur l’épaule. Y en avait-il d’autres à sa suite ? Blandine frissonnait. La peur, le froid humide la transperçaient tandis qu’elle semblait vouloir se fondre dans les herbes.
    Le guisarmier passa. Un peu plus loin, il toussa. Ogier, agenouillé, vit sa lourde carcasse tavelée de brillances lunaires disparaître dans ce qui sans doute était un chemin pentu.
    — Merdaille ! souffla Joubert, en se relevant à demi. On n’en finit plus de se ronger les foies !
    — Comme vous dites !
    Dame Berland abandonnait sa fierté : tous rirent en silence, excepté sa fille dont Ogier caressait la cuisse dure, courbés par le doute et l’angoisse, comme des portefaix.
     
    *
     
    Ils repartirent.
    — C’est tout droit, dit Joubert.
    — À dextre, dit Tinchebraye. Pas vrai, messire ?
    — Il me semble, mais je n’oserais l’affirmer.
    Ils errèrent longtemps. La nuit devint grise. Chacun d’eux se sentait des semelles de plomb. Ils devaient réintégrer ce bosquet où Delaunay, Gardic, Bazire et Lehubie les attendaient sûrement sans grande espérance.
    — Manquerait plus que nous trouvions des Goddons devant nous ! grommela Joubert.
    — Nous les occirions !
    — Même s’ils étaient cent, Tinchebraye ?
    Impatients et las, les soudoyers commençaient à se quereller. « Ils ont peur », se dit Ogier. « Ils ont été pleins à ras-bord de vaillance et les voilà qui s’accouardissent ! » Lui n’était qu’inquiet. Il ne mourrait pas en cette occasion, et cette assurance reposait sur des considérations dont il reconnaissait l’effronterie : non seulement il était trop jeune pour mourir, mais il serrait la main de Blandine ; il allait l’épouser ; ils vivraient heureux…
    Brusquement tourné vers dame Berland, chancelante, épuisée, au bras de Tinchebraye, il s’étonna : « Son époux et son fils sont morts ou en captivité, mais elle n’en paraît point doulousée. Il se peut que son mari l’ait parfois molestée… et que son fils, s’il ressemble à son père, l’ait méprisée. » Certes, il ne s’apitoyait point sur le sort de cette

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