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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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délicatesse d’églantine ne dissimulait-elle pas, sous sa perfection, quelques piquants acérés ? « Nous nous connaissons à peine… Nous nous sommes si peu vus et entretenus, à Chauvigny ! » Il se reprocha de ne savoir comment dissiper cette prémonition tenace, exaspérante, d’un possible dissentiment entre eux, au fil des jours. La féminité sans pareille de Blandine s’accommoderait-elle de sa nature de jeune chevalier assez enclin à la mélancolie, même lorsqu’elle saurait que cette humeur qu’il guérissait par de grands galops ou maniements d’armes, loin d’être un don du sang, procédait des tourments d’une adolescence austère. Oui, des peurs le prenaient sans que le meilleur des remèdes – sa conviction d’être aimé – en atténuât les effets. Peur d’adorer tellement Blandine qu’il pourrait, à force d’exprimer cette passion, lui devenir désagréable. Peur qu’elle jugeât de haut sa famille et des serviteurs pourtant exemplaires et que, par conséquent, ceux-ci ne la pussent accepter de bon gré. Peur que Gratot lui-même lui déplût et dégageât pour elle, irrémédiablement, une impression de mésaise et de froid. Sans rien en percevoir, la pucelle déposait en lui, tout proche du bonheur de l’avoir retrouvée, une gravité nouvelle.
    Il se ressaisit : il devait trouver dans son anxiété même la volonté de croire au bonheur de leur couple. Il s’était laissé envahir par les noirceurs de cette nuit d’incertitude et de violence où tout, pourtant, lui réussissait. Plutôt que de méditer sur des déceptions imaginaires, il eût dû se féliciter d’avoir trouvé l’église du Moustier-Neuf vide, parce que non loin de là une grand-messe rassemblait la noblesse et le commun. Il devait rendre grâces au Ciel que dame Berland se fut montrée à son égard plus amène. Au sortir de son hôtel, il s’était attendu à ce qu’elle versât des larmes, mais elle avait de l’estoc [51] . Tout comme Blandine. Si aucun pleur n’avait mouillé les yeux de la pucelle, était-ce parce qu’elle était digne et forte, ou bien parce que ce père et ce frère disparus s’étaient montrés parfois cruels à son égard en des lieux qu’elle abandonnait sans affliction, voire avec soulagement ?
    — Courage, m’amie, dit-il la prenant par l’épaule. Joubert, veille au flambeau : il nous faut pouvoir en préparer un autre avant qu’il ne s’éteigne.
    Ils avançaient clopin-clopant, effaçant d’une main ou d’un revers de bras les gouttes tombées de la roche et qui, après avoir roulé sur leur front, traversaient leurs sourcils et picotaient leurs paupières. À l’inverse du pennoncier, silencieux, Tinchebraye soupirait d’agacement, d’impatience et peut-être d’angoisse.
    — Pourvu, dit-il, que les Goddons n’aient pas vu sortir ce Bourbon qui, tout hautain qu’il soit, m’a fait l’effet d’un couard !
    — Garde ton souffle, dit Joubert. Il t’en faudra si nous devons cheminer longtemps.
    — Ménage aussi le tien, recommanda Ogier.
    Il enrageait de sentir grossir l’anxiété des autres, et surtout celle de Blandine dont la dextre aux petits ongles pointus semblait parfois lui mordiller la paume. Puis il suivit du regard les bosselures des parois dont les flammes tantôt fortes, tantôt faibles, dissolvaient ou accroissaient les ravinements pareils aux écorces des chênes. Comment, maintenant, ne se serait-il pas souvenu de la catacombe glacée du château d’Angle où Oyré les avait conduits, Calveley et lui-même ! Ce soir, où était-il l’Anglais à la taille immense avec lequel il s’était lié d’amitié ? En sa Grande île, en Guyenne ou à Poitiers ?
    Joubert heurta du front une excroissance rocheuse :
    — Merdaille !… Toutes ces pierres qui pendillent !… Voilà pourtant que notre tombeau s’agrandit !… Combien d’hommes ont foui cette roche ? Cent ? Deux cents ?
    Tinchebraye émit un grognement :
    — Peut-être dix, pas plus, en les renouvelant quand ils n’en pouvaient mais… Si cette voûte se fendait, nous aurions un bien joli baptême !… Nous serions bellement lavés de nos péchés… Avez-vous parfois péché, nobles compagnes, et nullement dans cette eau qui coule sur nos têtes et se répand sous nos pieds ?
    Dame Berland ne dit mot, et tandis qu’un sourire déplissait les lèvres de Blandine, Ogier se loua d’avoir pris l’arbalétrier à son service. Grand – certes

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