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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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champion au soir de Crécy…
    — C’est une personne de trop.
    Il sentit Blandine secouée d’un courroux dont le refrènement la faisait frémir davantage encore que si elle lui avait donné libre cours. « Où allons-nous ? » se demanda-t-il. « Liés, oui… Pas enchaînés ! » Que dire maintenant ? Rien. Attendre le sommeil. Ils s’étaient complus à parler de l’avenir et leur candeur, leur sincérité les introduisaient dans un Temps et un royaume aux contraintes de toute espèce. Chassant de son esprit le souvenir de Philippe VI, orgueilleux, vain et mou comme son grand nez, Ogier, se levant à demi, chercha le drap de dessus, au pied du lit, pour en couvrir Blandine et s’accoler ventre à ventre avec elle.
    — Tu trembles… As-tu froid ?
    Elle ne répondit pas mais prit sa main, trouva l’ancien anneau qu’elle lui avait donné, gage de son amour et de fidélité.
    — Tu m’as parlé d’une cousine qui se vêt en homme…
    Il rit, soulagé par cette diversion et se sentit scruté, du front au menton, par des yeux d’autant plus étincelants que la nuit, désormais, était complète :
    — Elle aime même à s’adouber en chevalier. Je t’assure ! Elle restraint ses plates [119] comme un grand guerrier !… Ce n’est pas pour rien qu’elle se nomme Tancrède !
    — C’est un nom d’homme !
    — La volonté de mon oncle, m’amie : il voulait un garçon et son attente fut déçue. Tancrède…
    — Elle est belle ?
    Ogier serra les lèvres, sentant désagréablement cet entretien lâche, doux, reposant, prendre le tour d’un interrogatoire.
    — Elle serait belle si elle admettait mieux son état de fille, de femme…
    Il se garderait bien de révéler à Blandine que Tancrède n’était pas sa cousine, mais la fille du sénéchal de Rechignac, le hardi et doux Blanquefort, engendrée lors d’une absence injustifiée d’un baron estimable à bien des égards.
    — Tu sembles l’admirer.
    Se pouvait-il qu’il eût admiré Tancrède ? Sans doute. Elle avait tissé en lui un réseau de désirs inavoués, inavouables. Elle avait tout accompli pour qu’il voulût la connaître tout entière, non plus hautaine et dédaigneuse, mais vaincue, repentante et même humiliée. Non, il ne l’avait pas admirée. Il l’avait voulue, obtenue et déçue en se décevant lui-même. Il ne pouvait livrer ces considérations, et surtout à Blandine. Elle avait soudain clos ses paupières. Même d’une seule oreille, elle semblait attendre un mot malencontreux qui relancerait son enquête.
    — Elle ne pourra jamais devenir une épouse…
    Parce que Tancrède préférait les filles aux garçons.
    À quoi bon, même pour la rassurer, le révéler à Blandine. D’ailleurs, le croirait-elle ? Devrait-il, à l’avenir, prendre garde à l’emploi de ses mots ? Feindre l’indifférence alors que son intérêt pour ceci ou cela serait certain et même manifeste ? Où puiserait-il en lui ces capacités de feinte ? Dans son amour même pour Blandine, évidemment.
    — Je ne l’ai jamais admirée… Toi, ma douce, je t’ai admirée d’un seul coup.
    Pourquoi sa voix lui paraissait-elle soudain plate ? Pourquoi même cette flatterie sans épaisseur l’attristait-elle ainsi ? Après la volupté, l’affliction !
    — En as-tu admiré d’autres avant moi ?
    — Aucune.
    Pieux mensonge. Il eut envie de prier Blandine de cesser cette inquisition douceâtre, mais c’eût été révéler une irritation qu’elle eût pu interpréter encore à son détriment. Il préféra l’empoigner, la serrer contre lui, l’emplir d’ardeurs et de contentements. C’était bien le seul moyen d’obtenir son silence avant que d’atteindre, quiètement sans doute, le bout de la nuit.

IX
    — À combien de lieues sommes-nous de Fougères ?
    — Huit ou dix, Blandine… Allons, ne fais pas ce visage-là !… Nous avons quitté Laval très tard et les chemins que nous avons pris ne se prêtent guère au charroi !
    — Mes reins le savent autant que mes yeux !… Jamais nous ne serons rendus avant la vesprée.
    Ogier se contenta de hausser les épaules. Puis il décida que c’était trop peu. Il devait répondre ! Sa voix lente, alourdie de fatigue et d’ennui, fut un défi plutôt qu’une repartie :
    — Tu le sais… Tu l’as vu… Nous avons eu une mésavenance avec le cheval de Bazire…
    Alors qu’ils venaient de parcourir une lieue, Plantamor s’était mis à

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