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Les noces de fer

Les noces de fer

Titel: Les noces de fer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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boiter. Le temps d’atteindre Grenoux et de ferrer le roncin aux quatre jambes, la matinée s’était trouvée bien entamée. À midi, on avait fait halte à Olivet, au bord d’un étang, pour manger sur le pouce et laisser souffler les chevaux. Ils allaient devoir s’arrêter deux fois encore sans doute, avant d’apercevoir les murailles de la grande cité.
    — Je n’ai jamais couvert un aussi long chemin… Ne m’en veuille pas, dit Blandine.
    Ogier hocha la tête. Comment eût-il pu lui en vouloir ? Il avait grand-hâte lui aussi d’atteindre Fougères et de remiser son chariot en lieu sûr. Il se sentait parfois apeuré : au bout du chemin, la séduction de la quiétude, mais avant, peut-être quelque mésaventure… De quelle espèce ? Il offrit à son épouse un sourire sans joie, puis regardant éclore un peu de bleu dans le vaste jardin gris du ciel :
    — Souviens-toi, m’amie. Hier, quand nous sommes arrivés à Laval, tu m’as demandé de t’offrir une longue nuit de sommeil… Je n’ai pas voulu t’éveiller trop tôt… Sois sans crainte : il y a des hameaux tout au long du chemin. L’hôtelier du Chapon couronné m’en a dit les noms : Poiriers, le Bourgneuf, la Croixille, Princé… Dans tous, au cas où tu voudrais te reposer, nous trouverons le gîte et le couvert.
    — Tu n’aurais pas dû conduire ce charreton… Je ne sais ce qu’il contient avec les armes et vêtements de tes hommes, mais…
    Lâchant les rênes, Ogier posa sa dextre sur la main de Blandine :
    — J’ai pris ce charreton parce que assise à mon côté tu te fatigues moins que s’il te fallait chevaucher… Et si j’ai un regret, c’est de n’avoir pas suivi les conseils de Sirvin : passer par Tours au lieu que par Chinon…
    Tourné, cette fois, complètement vers Blandine, Ogier fut heureux de lui voir un regard et un visage serein. «  Mon épouse ! » Ces mots-là, il les connaissait, et pourtant, attribués à la jouvencelle, ils lui paraissaient neufs, sertis d’un grand respect comme on n’en voue qu’aux reines. Ils imprégnaient son esprit d’une satisfaction grave et attendrie, rassurante, et ce lui devenait délectation de penser que cette nuit, leurs souffles, leurs tiédeurs, leurs chairs et leurs félicités s’étaient confondus, et qu’ils se confondraient encore et encore, en quelque endroit qu’ils s’arrêtassent. « Elle va plaire à tous, à Gratot ! » Elle était belle, elle était noble avec cette bénignité qui lui valait déjà, franche et rieuse, la bienveillance de leurs six compagnons.
    — Bientôt, tout sera différent : nous entrerons en Normandie. Un jour suffira pour que nous soyons à Gratot… Aude se merveillera de ta venue.
    Il y avait entre sa sœur et sa jeune épouse de telles ressemblances qu’elles ne pourraient que s’entre-plaire : même race, même mélancolie, parfois ; mêmes rires, pareils à des tintements de clochettes…
    — Je voudrais tant que notre demeure te soit accueillante !… Je t’ai dit ce qu’il en était : tu entreras dans une demi-ruine, mais tu verras : quelques mois suffiront pour que notre châtelet redevienne beau et fier… Au printemps, il sera digne de toi. Et plus tard…
    — Plus tard ?
    Il ne répondit pas, mais il voyait des joutes et des liesses. Les fêtes d’armes rassembleraient à nouveau chez les Argouges, les seigneurs du Cotentin et d’ailleurs. Les grands prés fleuriraient de robes éclatantes, de coiffures exquises et de joyaux ; on verrait des barons complimenter Blandine pour sa beauté, son hospitalité, la qualité des mets présentés sur les tables…
    — Plus tard, ma douce, tu seras heureuse.
    « Et moi, Ogier ? » Il s’était imposé à elle par son amour et sa vaillance ; il se revancherait, grâce à elle, sur tous ceux qui avaient méprisé sa famille. Car il en était certain : les fiers, les dédaigneux d’autrefois reviendraient, même Robert Bertrand de Bricquebec, le seul qui eût pu défendre efficacement Godefroy d’Argouges aux temps noirs et qui s’en était abstenu, ne voyant en lui qu’un traître.
    « Ils viendront chez nous les louanges aux lèvres… Tous !… Gluants de courtoisie : on ne peut dédaigner le champion du roi ! »
    Il sourit aux nuages, au chemin herbu, puis à l’étang qui apparaissait et dont les eaux écaillées par un souffle d’air lui rappelèrent les douves de Gratot. Devant, Tinchebraye, Joubert et Bazire

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