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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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Cummings pour avoir calculé tout ça. »
    Stanley approuva de la tête. « Les gars arrêtent pas de râler qu’à sa place ils auraient fait mieux que lui, mais il a pas le boulot facile.
    – Je te crois », dit Croft. Il regarda au loin, puis poussa Stanley du coude. « Vise », dit-il. Avec une trace de jalousie il observait Wilson qui parlait à Hearn.
    Inconsciemment, Stanley contrefit l’accent de Croft. « Tu crois que ce vieux Wilson lui fait de la lèche ? »
    Croft émit un rire paisible et froid. « j’en sais foutre rien, il tire au cul depuis quelque temps.
    – Je me demande s’il est vraiment malade », dit Stanley d’un ton dubitatif.
    Croft secoua la tête. « Y a que si te l’as à l’œil qu’on peut lui faire confiance.
    – C’est comme ça que moi je l’ai classé. » Stanley se sentait en forme. Si Brown ne faisait que répéter que personne ne pouvait s’entendre avec Croît, c’est qu’il ne savait pas s’y prendre. Croft était régulier. Il suffisait de l’approcher de la bonne manière. C’était bien jouer que de faire copain avec vos sergots.
    Mais, tout en parlant, il se raidissait à l’extrême. Pendant les premières semaines de sa présence dans la section il avait éprouvé une tension analogue dans son commerce avec Brown ; maintenant c’était au tour de Croft de l’incommoder. Stanley ne lui disait jamais rien sans quelque arrière-pensée. C’était cependant une façon d’être automatique. Il ne se disait jamais consciemment – c’est une bonne idée de se montrer d’accord avec Croft. Dans le moment où il parlait, il croyait à ce qu’il disait ; son esprit travaillait plus rapidement et plus efficacement que sa langue, en sorte qu’il lui arrivait parfois de s’étonner un peu de ses propres paroles. « Oui, un drôle de type ce Wilson, dit-il-a voix couverte.
    – Heu-hème. »
    Stanley se sentit déprimé. Peut-être s’était-il pris trop tard pour faire copain avec Croft. Quel bien y avait-il à en attendre, maintenant qu’un officier commandait la section ? Une des raisons qui lui rendaient Hearn détestable, était que celui-ci lui ôtait sa chance de succéder à Croft le cas échéant. Que Martinez ou Brown pussent commander la section, ne lui venait même pas à l’esprit. Au fait, son ambition était vague précisément parce qu’elle ne s’arrêtait pas en si bon chemin. Stanley ne poursuivait pas un but unique ; ses rêves étaient toujours vagues.
    En vérité, tout en parlant, Croft et Stanley se découvraient des points communs qui les rapprochaient l’un de l’autre. Croft se sentait une légère affection à l’endroit de Stanley. « Ce petit Stanley l’est pas un mauvais zigue », se dit-il.
    Le pont, à leurs pieds, vibrait sous le cognement des vagues. Le soleil était presque couché et le ciel se couvrait. Le temps commençait de fraîchir, et il fallait se protéger du vent pour allumer sa cigarette.
    Gallagher s’était frayé un chemin vers l’étrave du canot. Il se tenait en silence derrière Croft et Stanley, son corps fin et noué, secoué de petits frissons. Il écoutait l’eau clapoter contre les flancs de l’embarcation. « Là t’as chaud et la minute d’après t’as froid », grommela-t-il.
    Stanley lui adressa un sourire. Il trouvait nécessaire de ménager Gallagher, puisque aussi bien il avait perdu sa femme et que cette perte le rendait irritable. Au fond, il n’avait que mépris pour Gallagher, qui l’embêtait et le dérangeait. « Comment ça va, petit ? dit-il.
    – Ça va », dit Gallagher d’un ton déprimé. La grissaille du ciel le rendait lugubre. Depuis la mort de Mary il était devenu exceptionnellement sensible aux changements du temps, et il lui arrivait souvent de languir dans une douce mélancolie qui le mettait au bord des larmes. Sa volonté et, assez curieusement, son amertume aussi, s’étaient émoussées ; il gardait son masque rageur, il explosait même, de temps à autre, dans un débordement de jurons, mais Red et Wilson et un ou deux autres ne s’y trompaient pas. « Oui, ça va bien », grommela-t-il de nouveau, La sympathie de Stanley l’irritait, car il la sentait fausse ; depuis quelque temps il devenait plus perceptif.
    Il se demanda pourquoi il était venu se placer à côté d’eux et songea à regagner sa couchette, mais il faisait moins frais ici. Le pont vibrait et cognait sous ses pieds. « Combien de temps qu’on

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