Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
Vom Netzwerk:
va rester là comme des sardines ? » grogna-t-il.
    Après un silence Croft et Stanley se remirent à parler patrouille et Gallagher les écouta avec ressentiment. « Te veux que je te dise comment qu’elle sera, cette putain de merde de patrouille ? laissa-t-il échapper. On aura de la veine si qu’on s’en tire avec nos têtes de con sur nos épaules. » Un remords mêlé de peur le saisit. « Faut que j’arrête de jurer »^se dit-il. Depuis qu’il avait reçu sa dernière lettre, une dizaine de jours plus tôt, il faisait des efforts pour s’amender. Ses blasphèmes étaient impies, croyait-il, et il appréhendait un surcroît de châtiments.
    Entendre parler patrouille l’effrayait, à quoi s’ajoutait son remords d’avoir juré. Une fois de plus il s’imagina mort, couché dans un champ, et un spasme nerveux courut douloureusement le long de son dos. Le soldat japonais mort de la main de Croft lui apparut, étalé dans une clairière verte.
    Stanley l’ignora. « Qu’est-ce que tu penses faire si on ne peut pas passer le col ? » Il était important de savoir toutes ces choses si jamais il devait Unir par commander la section. Personne ne savait quelles sortes d’accidents pouvaient arriver. S’efforçant de ne voir que « les morts anonymes, il imaginait des accidents qu’il situait dans l’abstrait, dans un vide de nulle part.
    « Je vas te donner un petit conseil », dit Croft. Les mots eurent un son bizarre sur ses lèvres ; il ne donnait presque jamais de conseil. « Dans la vie militaire, si y a pas moyen de faire ce qu’il faut d’une manière te feras foutre bien de le faire d’une autre manière,
    – – Qu’est-ce que tu ferais alors ? T’escaladerais la montagne ?
    – C’est pas moi qui commande. C’est le lieutenant.
    – Euhee », fit Stanley en grimaçant. Il se sentait tout jeunot à côté de Croft, mais il ne s’efforçait pas de le dissimuler. Sans chercher à comprendre, il présumait que Croft l’aimerait mieux s’il ne se montrait pas trop suffisant.
    « Mais si la section était à moi, c’est ce que j’aurais fait », ajouta Croft.
    Gallagher ne les écoutait qu’à moitié. Leur conversation le choquait ; son esprit superstitieux, bourré de tabous, lui disait qu’il était dangereux de parler combat. Dans son abattement il se faisait de la patrouille une vision sombre, pleine de fatigues et de dangers et de misères. Il finit par se prendre en pitié, et des larmes lui montèrent aux yeux. Pour les refouler, il s’adressa rageusement à Stanley. « Tu crois que t’auras une vue de la montagne ? T’auras de la veine si t’en descends avec tes abattis au complet. » Il se retint à temps pour ne pas jurer.
    Cette fois-ci il ne leur fut pas possible de l’ignorer. Le temps d’une seconde Stanley se rappela la façon fortuite, presque ridicule, dont Minetta avait écopé sa blessure, et ce souvenir raviva en lui les émotions qui l’avaient assailli à cette occasion. Sa confiance en soi était entamée. « Tu l’ouvres trop grande, dit-il à Gallagher.
    – Te sais ce qui te reste à faire. »
    Stanley fit un pas vers Gallagher, puis s’arrêta. Gallagher était de beaucoup plus petit que lui, en sorte qu’il n’y aurait eu aucune gloire à le rosser. De plus, Stanley sentait vaguement que c’eût été comme s’il avait pris à partie un invalide. « Dis, Gallagher, je pourrais te casser en deux », dit-il. Il ne se rendit pas compte qu’il venait de répéter les mots mêmes que Red lui avait adressés le matin de leur atterrissage dans l’île.
    « Aaaaah », fit Gallagher, sans faire de mouvement. Il avait peur de Stanley.
    Croft les observait avec indifférence. Lui aussi, la sortie de Gallagher l’avait agacé. Il n’avait pas oublié l’attaque japonaise sur la rivière, et il lui arrivait de rêver qu’une grande vague d’eau était sur le point de l’engloutir alors qu’il se trouvait réduit à l’impuissance. Encore qu’il n’eût pas fait de rapprochement entre l’attaque nocturne et le rêve, il sentait intuitivement que celui-ci correspondait à une angoisse inavouée. La sortie de Gallagher l’avait troublé, et le temps d’une seconde il pensa consciemment à sa propre mort. « C’est une sacrée connerie de se fourrer ça dans le ciboulot », se dit-il. Mais il ne réussit pas à bannir l’idée de sa tête. Aux yeux de Croft la mort était toujours un décret. Toutes les fois

Weitere Kostenlose Bücher