Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
dévouement ; lorsqu'en 1814 elle reprit le chemin de Paris, elle tint à s'arrêter à Lyon pour voir les deux filles de son ancienne gouvernante, Mme de Lamartine et Mme de Vaux, et leur offrit de merveilleuses dentelles qui avaient appartenu à sa mère. Mais un an plus tard, lorsque le chevalier de Lamartine voulut obtenir, pour lui la croix de Saint-Louis, pour son fils un brevet de garde du corps, il eut du mal à voir sa requête aboutir. En 1825, enfin, Lamartine trouva moyen de s'aliéner complètement le duc d'Orléans par quelques vers vraiment maladroits de son Chant du Sacre, et dès ses débuts en politique le fossé se creusa encore plus profond : sa conscience, sa vision poétique et grandiose de la liberté primèrent en lui tous les autres sentiments. Mais n'y a-t-il pas quelque mélancolie à penser que celui dont Mme Des Roys avait bercé les premières années avec tant de sollicitude devait être chassé du trône par le petit-fils de sa vieille gouvernante ?
Jean-Louis Des Roys mourut le 14 octobre 1798, et sa femme le 10 juillet 1804. De leur mariage étaient nés six enfants ; l'aîné, Pierre-François, né le 12 février 1738, fut conseiller à Rouen et mourut sans avoir été marié le 8 mai 1810. «Il m'avait presque tenu lieu de père pendant mon enfance, écrira sa nièce en inscrivant la triste nouvelle, et avait contribué à mon mariage en me donnant 10000 francs comptant et en m'en assurant 12000 après lui.»
Des quatre filles de Mme Des Roys, l'aînée, Catherine Julie, née le 9 janvier 1761, épousa en 1778 Charles-Henrion de Saint Amand, frère du président Henrion de Pansey ; la seconde, Émilie (22 janvier 1762-1827), fut mariée à Louis Papon de Rochemont ; la troisième, Césarine, née le 29 novembre 1763, devint la femme de Pierre-Benoît Carra de Vaux Saint-Cyr, et la dernière, Alix, devint Mme de Lamartine [Voir, à l'Appendice, le tableau de la descendance Grimod.].
Enfin le dernier des fils, Lyon Des Roys, eut une triste existence d'homme de lettres manqué qui fournit la véritable explication des terreurs de Mme de Lamartine lorsqu'elle vit son fils tourmenté lui aussi, à vingt ans, de la même fièvre poétique.
Il était né à Lyon le 5 novembre 1768, et la ville qui, pour rendre hommage à son père alors échevin, avait tenu à être son parrain, délégua le prévôt des marchands au baptême ; la cérémonie eut lieu en grande pompe le jour suivant en la cathédrale de Saint-Paul ; la marraine fut, par procuration, Marie-Françoise de Beaumont, fille de Gaspard Grimod de la Reynière et tante de Mme Des Roys [Dans les papiers de la famille Des Roys, on trouve une petite note de la main de Jean-Louis qui rapporte les détails de la cérémonie :
«Le 26 juillet 1768, procuration de Mme de Beaumont marraine de l'enfant dont Mme Des Roys était grosse, et dont la ville de Lyon devait être le parrain.
«L'enfant est né le samedi 5 novembre : ç'a été un fils, qui a été baptisé le dimanche 6 dudit à Saint-Paul par M. Crupisson, sacristain-curé. Il a été nommé Lyon-François, et tenu par M. de la Verpillière, Prevost des marchands, accompagné du Consulat, pour la ville, et par Mme de la Verpillière pour Mme de Beaumont Des Roys.»]. Ainsi, l'enfant semblait promis à quelque belle destinée alors que la réalité fut tout autre : ce qu'on sait de lui révèle un certain désordre mental, le délire de la persécution, un amour effréné de la publicité, et surtout un véritable désespoir de ne pas dépasser la médiocrité.
Il fit ses études au collège de Juilly, d'où il fut chassé en 1793 par la Révolution ; en 1799 il était maître répétiteur de mathématiques dans cet établissement qui venait de rouvrir sous une nouvelle direction.
Pour occuper ses loisirs, il rima alors un poème sur la géométrie, une tragédie en cinq actes, la Mort de Caton, une comédie, l'Antiphilosophe. Ce fut l'origine de tous ses malheurs : en juillet 1799 il abandonna le collège pour Paris, rêvant la gloire littéraire, et s'imaginant avec présomption que son génie suffirait à le faire vivre. La lutte qu'il soutint pendant trois ans pour arriver à la célébrité, les railleries, les épigrammes dont il fut accablé eurent quelque retentissement à l'époque, et un critique dramatique, qui l'avait pris en grippe, Salgues [Cf. l'Observateur des spectacles des 28 germinal, 2, 21, 23 et 29 floréal an X. Jacques-Barthélémy Salgues
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